Allez, une belle image pour me faire pardonner de cette histoire de rattrapage.
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Il y a des jours de disette. On a envie d’écrire quelque chose et puis ce quelque chose ne sort pas. On a l’impression que ça va être un ratage. Alors, on ferme les yeux pour se concentrer et une idée saugrenue sortie de l’an 1960 vous revient à l’esprit.
J’ai souri car deux idées se sont chevauchées.
C’était au temps où nous fréquentions « a Piazzona », la grande place de l’église. Les anecdotes allaient bon train lorsque quelqu’un pour appuyer ses dires s’écria : « demande à Pallucciu di Carbini » Tu verras, il est au courant de tout. Et tous les soirs, il n’y avait pas un moment où il ne citait Pallucciu en exemple. Un jour, en toute innocence, Pallucciu traversait le village de Lévie à pied. « Ah, tiens justement le voilà Pallucciu ! » Un petit bonhomme plutôt maigrichon s’approcha pour saluer l’ami qui le citait en exemple, il tendit la main au voisin inconnu et lui adressa : « Bon ghjornu o amicu ! » (Bonjour mon ami) L’autre le toisa puis lâcha « A, eri tuttu tù Pallucciu » Ce qui en traduction littérale signifie « Ah, c’est tout toi Pallucciu ! » Il s’attendait sans doute à voir un personnage charismatique ou affichant une certaine prestance. Le pauvre homme présentait un physique banal. Sur le champ, sa crédibilité en pris un coup. Et plus jamais on n’entendit parler de Pallucciu sur la Piazzona.
Quelques décennies plus tard, j’étais rentré du continent pour enseigner dans l’école de mon enfance. Les gens du village étaient plutôt contents de savoir que j’étais retourné à Lévie. On en parlait un peu partout dans les quartiers. Une employée du district, était intriguée. Elle ne m’avait jamais vu. Alors, elle interrogeait :
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Qui c’est celui-là ?
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Tu sais pas ? Ouini tu le connais. Simon de Siki, le petit moustachu !
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Non, je ne vois pas.
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Ahou, Toute la Corse le connait ! (Vous savez sans doute que nous avons le sens de l’exagération pour mieux porter les arguments) Bref, la pauvre dame ne voyait pas et commençait à être intriguée par le personnage arrivé du continent mais originaire du village. Elle s’interrogeait : Est-il revenu avec un uniforme et des galons ? Une belle bagnole ? Il est grand et beau, non on m’a dit le petit moustachu. Hou ! Basta, on le verra bien un jour !
Et puis un jour, mais je n’étais pas au courant de toutes ces interrogations, je traversais le village avec un collègue, dans sa voiture, à la place du mort. Autant dire en mauvaise posture ou du moins sans tous mes atouts visibles. La jeune dame passait sur le trottoir de mon côté. Mon collègue qui était au courant de l’affaire, s’arrêta, baissa la vitre de ma portière et l’appela :
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Tiens, tu vois, c’est lui Simon !
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La dame toute penaude me toisa comme elle put, puisque j’étais assis et ligoté au fauteuil, pas très présentable de la sorte. J’étais tristounet aussi, la moustache basse pour une fois. Après de longues secondes de silence et d’observation, un peu désolée, elle m’adressa
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Ah ! c’est vous le fameux Simon ?
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Oui, pourquoi fameux ?
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Non pour rien. Puis elle salua le chauffeur en écartant les doigts comme pour faire un cinq qu’elle secoua en signe d’au-revoir et reprit son chemin.