Une autre jeunesse.

Lorsque je regarde cette photo, je la trouve magnifique.
Cette dominante noisette, ou chocolat vaguement au lait, lui sied à merveille.

Au-delà du décor, on devine une jeunesse tranquille.
L’amitié lycéenne se lit sur les visages et l’attitude de presque varappe, semblait viser plus haut. On grimpait dans l’allégresse vers des horizons dont les contours étaient encore balbutiants, se dessinaient dans l’insouciance durant l’escalade. Chacun cherchait son point d’accroche.

Nous étions tous internes et venions de divers endroits de la Corse, beaucoup du sud et quelques-uns du nord. Ces derniers ne rentraient pas chez eux le week-end, le passaient tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre dans le sartenais ou l’Alta-Rocca.

Bien sûr nous étions facétieux, malicieux, coquins, mais jamais méchants, nous savions jusqu’où nous pouvions aller pour rester dans les cordes du raisonnable. Je n’ai pas souvenir de débordements pendables, de grosses chamailles, sans être enfants de cœur pour autant.

Nous étions nourris à la philosophie et aux sciences, personne n’était insensible au savoir, tous tournés vers la découverte de la vie par la réflexion. Nous confrontions nos idées, nous nous identifions à un philosophe ou à un scientifique de renom. Parfois nous choisissions notre « patron », souvent collé par un ami, un camarade.
Lorsque nous affrontions les profs balle au pied, chacun partait à la conquête des buts adverses avec son identité de classe terminale sur la poitrine. Il y avait Platon, Nietzsche, Spinoza selon le caractère et la préférence philosophique. Lavoisier, Archimède, Euclide, Thales ou Pythagore selon que vous étiez en sciences expérimentales ou visiez le bac C. On m’appelait Ampère de sciences ex, j’étais fier de ce baptême, j’avais l’impression de porter la lumière. Nous nous construisions biberonnés au savoir non à la castagne cherchant à dominer l’autre. Notre frime était plutôt bon enfant.
Notre entente était parfaite, les plus férus en sinus et cosinus, en calcul intégral ou différentiel, nourrissaient de leur savoir les plus fragiles en la matière. Les heures d’études étaient effectives et participaient à étoffer la connaissance, y compris celle du voisin.

Eussions nous eu accès aux réseaux sociaux à quoi auraient ressemblé nos apprentissages ?
Nous l’avons échappé belle en communiquant entre nous, plutôt qu’avec l’ailleurs et le fictif, hors de l’ici et du maintenant.

Trois lycéens sur cette photo sont devenus médecins, deux autres enseignants, tous ont bien trouvé leur voie, personne n’est resté en rade.
C’était un autre temps, nous entrions dans la vie active après une période estudiantine nourrie à la bohème, il fallait bien que jeunesse s’affirme, tendue vers un avenir…

Ci dessous, le temps lycéen au féminin.

Encore loin des selfies et de l’exaltation tous fers en l’air…
Pour une fois, les noms de philosophes ou de scientifiques étaient inscrits au dos.

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