L’autre version des coiffeurs villageois.
Le sent bon comme la gomina me ramènent au cœur de l’enfance.
L’un et l’autre me remémorent les coiffeurs de nos jeunes années qui se concurrençaient par parfums et brillantine.
L’un était installé au village depuis de nombreuses années.
Il prenait de l’âge et sa vue baissait.
C’était le bon moment, le fils du boulanger qui confectionnait du pain au feu de bois, avait décidé de revenir au village.
Il œuvrait dans un salon continental, ses parents, dans la farine du matin au soir, souhaitaient son retour.
Jean Baptiste, on l’appelait Jean Batti et non JB comme de nos jours, s’est donc installé à quelques encablures du salon de Paul. Cela n’empêchait point ce dernier de dormir, à cette période le village comptait quatre fois plus d’habitants qu’aujourd’hui. Cette recrue nouvelle constituait un soulagement pour le merlan vieillissant, en partageant la clientèle.
Il fallait bien que Jean Batti, se fasse une renommée et celle-ci passait par une pub permanente menée par son père. Achilu, le boulanger, vendait ses canestri (gâteux secs en forme de couronne) en faisant du porte à porte dans les quartiers.
Il en profitait pour annoncer le retour de son fils, à la tondeuse et aux ciseaux, un art qu’il pratiquait sur le continent et lui prêtait un mystérieux savoir faire.
Le bruit courait que de l’autre côté de la Méditerranée les nouveautés étaient constantes, notre coiffeur revenu de la diaspora était censé pratiquer tontes originales pour renouveler les vieilles habitudes de la coupe au bol et de l’oreille fortement dégagée.
Achilu n’en finissait plus d’interpeller les gamins, leur signifiant qu’ils avaient tignasse trop fournie et qu’il était temps de passer sous les ciseaux de Jean Batti, bien entendu !
Il ajoutait souvent :
– Ne va plus chez Paul car il perd la vue et un jour, il va te couper une oreille.
Affreux ! Certains y croyaient ferme, à cet accident de lobe auriculaire et en frémissaient alors qu’ils n’y avaient jamais songé.
C’était toujours le même discours. Il nous soulevait les tifs afin de nous faire remarquer le désordre chevelu et nous conseillait de convaincre nos parents d’aller chez son fils. L’attente était moins longue faute de têtes à raser et surtout, JB mettait plus de sent bon que l’autochtone, si on lui rappelait que c’était une recommandation de son père.
JB se frottait les mains de cette fragrance nouvelle, nous tapotait la nuque et le cou en disant :
– Tu sens ce parfum ? Il est plus fort que celui de Paul.
Le salon post continental s’emplissait, faisant aussi l’accordéon car les habitués du vieux coiffeur ne se retrouvaient plus, habitués à la tonte à l’ancienne. La mode n’était pas encore à la mode chez nous.
Paul avait sa clientèle inconditionnelle et les critiques allaient bon train, notamment lors du passage du rasoir sur une joue ou sous le menton, mieux valait acquiescer.
Je plaisante, Paul s’en fichait, ça lui faisait des vacances.
Les jeunes surtout, ressortaient de chez JB générant derrière eux une trainée très parfumée de sorte qu’on pouvait les retrouver en humant l’air, ils n’avaient pas intérêt à débuter une partie de cache-cache, c’était perdu d’avance.
Certains gamins habitués à l’eau de Cologne s’interrogeaient, les plus malins plaisantaient, ça doit être de l’eau de Pologne !
Voyez comme nous étions heureux, d’un rien, d’un quotidien banal, nous en faisions tout un monde, seulement peuplé de deux merlans, un Paul et un JB, virtuoses des ciseaux à désépaissir…
C’est si bien raconté ! On s’y croirait, un peu on on humerait le parfum de la brillantine. ????♂️
Je me suis transposé dans l’ancien temps, il m’a suffit de revoir les personnages et je me suis assis à côté d’eux. Puissent-ils en rire aussi ! 😉