Il y a des moments heureux…

Erik Orsenna avait promis de m’accompagner pour présenter « A l’ombre de l’école ».
C’était une grande nouvelle.
Qui l’eut cru ?
Comment le petit Simon de la Navaggia pouvait imaginer qu’un jour, il serait à côté d’un académicien pour annoncer son ouvrage ?

Vous savez, je n’étais pas stressé mais dans l’expectative, comment allais-je m’en sortir, moi qui cultive la solitude, soudain porté dans la lumière ?
Si je suis seul à la commande, je navigue à ma manière, dans le cas présent, je me questionnais.
J’ai demandé à Erik de passer en premier pour introduire sa présence, ce qu’il accepta volontiers.

Enfin libéré, pour me retrouver tel que d’ordinaire.

Je me suis avancé vers le public comme je le faisais avec les enfants de ma classe, jamais assis au bureau, toujours tendu vers eux.
Tout m’a semblé facile à ce moment précis, sans savoir si l’auditoire m’entendrait. Il parait que je parle à voix douce avec un timbre assez bas.
Voici mon introduction :

C’est la troisième fois dans ma vie d’adulte que j’éprouve la même émotion.
La première fois lorsque mon père était impatient de voir ma maison. Il était en fin de vie, j’ai demandé à l’entrepreneur d’accélérer la construction, hélas, papa est parti deux mois avant la pose de la première pierre.
La deuxième fois, c’était dans les bureaux d’une grande édition parisienne, Fernand Nathan me faisait signer un contrat de 20 années. J’étais très ému au moment de la signature, je pensais à mon père. Ils ont cru que c’était devant le paraphe. Je n’ai rien dit.
Aujourd’hui vivant, papa serait venu avec son plus beau costume, il n’en avait qu’un, et avec une cravate.
Il m’aurait demandé :
– Quali hè quissu mécanicien ? » (Qui est ce mécanicien ? On ne savait jamais si c’était du lard ou du cochon)
Je lui aurais répondu :
– Papa, c’est le mécanicien du dictionnaire, il cherche les meilleures pièces, les meilleurs mots, pour le maintenir en perpétuel bon état. Et ce mécanicien académicien s’appelle Erik Orsenna !

C’est ainsi, à ma manière, authentiquement simonien, que j’ai regagné ma place à côté d’Erik pour lui transmettre le témoin.
Ce fut facile pour lui, rompu à la mécanique des conférences, de naviguer dans la fluidité de l’exercice.
Il a essayé à plusieurs reprises de me tendre la perche, pardon, le micro. Que vouliez vous que je disse* après tant d’éloges déversés sur ma personne ?
Parfois, il m’arrivait de douter : Est-ce bien de moi qu’il parle ?
Je me suis toujours caché malgré les invitations à aller vers la lumière et ce réflexe d’escargot resurgit parfois lorsque l’éclairage est trop fort…

A la fin de sa superbe intervention, il s’est tourné vers moi pour m’embrasser, je ne m’y attendais pas.
Aux yeux de l’assistance, ce fut presque une dernière bénédiction, non pas pour m’expédier au paradis mais pour m’encourager à continuer, en faisant même ressortir mes talents de conteur que, selon lui, je devrais dévoiler plus souvent, pas qu’en comité réduit.
Je crois que cet homme a tout compris, il a visité mon expo « A nos pieds, un monde ignoré » visible dans la même salle de conférence et en quelques petites minutes, il avait tout saisi.
C’est ça être académicien, comprendre avant les autres, analyser et synthétiser à la vitesse supersonique.
Je ne le remercierai jamais assez, il a tenu promesse…
Devant le quidam que je suis, il a été magnifique !

Nous déjeunions ensemble, je le photographiais, j’ignore ce que signifiait son doigt pointé vers un interlocuteur…

* »Que vouliez vous que je disse » et non « je dise« , cet imparfait du subjonctif est sorti tout seul, j’ignore s’il est de bon aloi.

Voici deux liens de la conférence :

Erik – OneDrive (live.com)

Erik – OneDrive (live.com)



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