Sourde oreille et oreille sourde.

Si vous saviez comme cette oreille de toute une vie me mena de galère en galère, m’obligeant à déployer des trésors de stratégies !
Il en fallut du courage pour naviguer dans ce monde pas toujours attentif et bienveillant.
Je me suis tapi dans l’ombre, une grande partie de ma carrière, de ma vie aussi, et malgré les appels de ma hiérarchie supérieure qui m’invitait à sortir des coins obscurs, caché pour ne pas être vu, j’ai fait la sourde oreille.
J’ai refusé des postes qui m’auraient tiré vers le haut, de la fonction de conseiller pédagogique à celle de chercheur dans la même catégorie.
Mon oreille sourde et l’autre à l’ouïe défaillante m’interdisaient toute avancée dans la lumière. L’ombre était mon élément et de là j’observais le monde en catimini.
J’en ai fait une force, une autre force en m’épargnant d’être trop souvent le champion du quiproquo. Le quiproquo qui fait rire mais qui fait fuir aussi, qui plonge dans la honte.
Il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre, certains l’ont cru et m’ont fait comprendre que je faisais la sourde oreille alors que j’étais dur de la feuille.
Ils l’ont cru, parfois. Sans doute à cause du grand décalage entre mon analyse, mon sens de l’observation et mon attitude d’homme perdu ou fuyant. Un homme décalé, semblant égaré, parfois hagard, dans le monde des humains. Je filais, souvent tête basse, on me prenait pour un prétentieux… on me l’a fait savoir. Je cherchais simplement à éviter des situations trop perturbantes pour le petit personnage que je suis.
Je ne m’en plains plus aujourd’hui, je m’en suis plutôt bien sorti.
Me voilà debout et fier de mon parcours qui a frisé plusieurs fois la catastrophe.
Alors que j’arrive sur le dernier chemin de ma vie, j’ai l’impression d’avoir atteint une grande sérénité. Je blague, je cabriole, je fais le fou, je dis ce que je veux et au diable qui rigole encore de ce personnage extravagant, paraissant bouché à l’émeri mais au regard franc et pointu !

Demain, je vais me présenter devant mes villageois.
Je vais parler de mon ouvrage « A l’ombre de l’école ». J’attends ce moment avec impatience, j’y vais sans inquiétude. Naguère, je ne dormais pas la veille d’une animation pédagogique.
Lorsque je débutais, j’ai dû affronter une salle de 105 enseignants pour présenter ma fonction encore méconnue. Ce fut un haut fait d’armes car la personne qui devait diriger la séance, prise de panique, a vomi et à dû être évacuée de la salle. Totalement inconscient, dans un état second de survie, j’ai rassemblé toutes mes forces, parlant sans arrêt pour ne pas subir de questions. J’ai tenu jusqu’au bout.
Comme un fakir en lévitation, j’ai camouflé mon infirmité aux yeux d’une si grande assemblée.

J’attends demain avec plaisir, je ne redoute qu’une seule chose, me trouver devant une salle vide, alors qu’il n’y a ni Covid ni tempête en vue.
Ce serait une grande déception mais si c’est le cas, je m’en remettrai…
Ailleurs, il y a la vie aussi !

Je vous envoie ces fleurs sauvages après la pluie.

4 Comments

  1. J’ai reçu ton livre que j’ai commencé
    à lire avec grand plaisir. Je suis sûr que ta conférence sera un succès. Si j’avais été à Levie, j’aurais été au premier rang. Courage, ça va bien se passer.

  2. Ca va bien se passer, j’en suis sûr aussi. Si j’avais été en Corse, je serais venu aussi (et ce n’est pas une « promesse bonifacienn « , ou une invitation bonifacienne, comme on dit chez nous).
    Ce que vous dites pourrait s’appliquer à moi, non pas à cause d’un problème d’ouie —dans ma famille ce sont les femmes qui sont sourdes, de génération en génération— mais à cause d’une timidité et d’une hyperémotivité paralysantes, que le grand âge a progressivement atténuées. Je lis toutes vos « publications » sur internet avec intérêt. Où pourrais-je acheter votre livre (je vis maintenant sur le continent) par correspondance?
    Merci

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