Je me souviens de ma classe de CE1 au quartier de mon enfance.
Les classes étaient dispersées un peu partout dans le village et par bonheur, cette année là, la mienne siégeait à l’étage d’une maison du quartier Navaggia. L’école, c’était le village et non un établissement regroupant tous les niveaux, en attendant la construction d’un bâtiment.
Rien n’a changé, l’endroit est toujours le même.
La cour de récré se situait à une cinquantaine de mètres sur Piazza di Coddu, un endroit ouvert, entouré de maisons. Rares étaient les véhicules à moteur qui venaient jusque là, hors le tricycle du facteur qui se déplaçait toujours à un train de sénateur.
Une trentaine de mètres plus bas, notre jardin.
A la bonne saison, durant les derniers mois scolaires, je descendais en cachette pour récolter des fraises ou des groseilles que je partageais avec les copains.
Nous étions libres, assez autonomes, la maîtresse nous surveillait de loin sans trop intervenir dans nos jeux enfantins.
Dans la classe, nous fabriquions l’encre, à tour de rôle, dans une bouteille d’un litre. Ainsi, nous apprenions à doser poudre et liquide. La mathématique vécue avant d’être théorisée.
Dans un coin de notre table, un godet logé dans un trou, rempli d’encre violette ou bleu nuit.
Dans la rainure consacrée aux objets d’écriture, un porte-plume à l’âme Sergent Major toujours nickel après usage.
Une plume à dos rond, dont la pointe s’écartait lorsque nous appuyions pour former des pleins, se refermait pour les déliés. Une gentille valse que chacun imprimait au rythme de sa virtuosité, la pointe assouplie, docile et douce à l’usage.
Les moins habiles peinaient en veillant à ne pas écorcher la page lorsqu’ils remontaient la boucle d’un L avec le bec planté à la manière d’un soc qui trace un sillon.
Parfois, la langue sortie de travers, le nez au ras de la feuille, nous nous appliquions pour offrir notre plus belle calligraphie à la maîtresse et à nos parents. Cela nous rendait joyeux d’avoir accompli une prouesse, un rendu esthétique du plus bel effet à nos yeux.
Un temps d’apprentissages multiples et variés qui imprimait dans notre pratique et nos esprits un savoir faire de belle facture que l’on dirait superfétatoire de nos jours.
Marie Jeanne, Josette, Inès, Marie Louise, Ginette, ne s’imaginaient guère, qu’un jour, leurs petits enfants allaient affronter un autre sergent major. Le surveillant des genres, la guerre des mots entre masculin et féminin à se crêper le chignon.
De la plume au stylo, du clavier à l’intelligence artificielle qui agira à notre place, le déclin de l’humain pour laisser place à la machine. Faudra-t-il perdre l’odeur, le goût, le toucher, la vue et l’ouïe pour que le progrès s’exprime dans toute sa splendeur et sa splendeur seulement… Il est en marche, très avancé, chut ne le dérangeons surtout pas !
Ceci est un discret mignon pamphlet à peine susurré, il n’y a pas lieu d’en faire un fromage…
Ce n’est point l’éloge du passé mais un effet de style, le plaisir de me replonger dans ma douce enfance.
J’ai eu ma dose d’écriture quotidienne pourvu que cela vous fasse sourire un peu et tire de votre âme un léger souffle de tendresse…