L’éloge de la nostalgie qui fait du bien.
Je reviens souvent sur le passé, on me le reproche parfois, en me questionnant.
Fais-je du radotage nostalgique ? On peut le penser.
Je ne radote pas, même si je me répète car, sur les près de 3000 textes qui figurent dans ce blog, il y a de fortes chances de redonder, les redites sont inévitables, c’est évident.
Quelqu’un qui joue aux cartes, au tennis, au foot, pratique toujours la même activité et pourtant son plaisir est renouvelé. J’y vois une similitude avec mon retour sur le passé. C’est mon terrain de jeu, je m’étonne de ces moments que j’ai traversés sans toujours en soupçonner la teneur et l’importance.
Parfois, je me demande si j’ai bien été celui-là. Je pose mon regard nouveau sur ma façon d’être, sur mes actes passés.
J’ai l’impression de procéder à une analyse en cherchant le côté joyeux, le côté heureux, jamais je ne fouille dans les moments pénibles, détestables, ou si peu.
En voyant l’image en titre, je me suis questionné.
Comment ai-je pu inviter ces enfants chez moi ? Etait-ce raisonnable ?
Des questions après coup, jamais je ne calculais ni me m’interrogeais de la sorte. J’ai toujours été nature, sans calcul et souvent candide aussi.
La réponse est toute simple.
En arrivant à l’école Vauban de Versailles, dite d’application, dont la fonction était la formation des instituteurs, je me suis retrouvé sans aucune compétence puisque je débutais, dans le camp des formateurs.
Une bien curieuse affaire, les mystères de l’Education Nationale, mystères dont je ne me plaignais guère.
Ces enfants, habitués à la haute voltige car les formateurs étaient de très haut niveau, découvraient avec moi, un curieux personnage. Quelqu’un qui jouait au basket avec eux (c’était la religion de cette école), qui s’asseyait à côté d’eux, qui les faisait rire et les amusait beaucoup.
Ce fut pour ces enfants, une année récréative, sans pression.
L’un d’eux qui se prénommait Laurent, avait demandé à se placer au fond de la classe contre le mur, j’ignorais pourquoi. Je n’ai pas tardé à le savoir.
Derrière tous les autres élèves, sans être vu, il m’imitait en me mimant sans lâcher un mot.
Il répétait mes gestes en les amplifiant, imprimant mes effets de manche, caractéristiques, à la perfection. Je pourrais presque dire qu’il le faisait mieux que moi.
Quelle audace ! Oser une telle communication n’est pas donné au commun des enfants. Sans doute avait-il confiance en lui, en moi aussi. Il me savait inoffensif comme s’il l’avait reniflé.
Au moment de la dictée, je parcourais la salle, lentement comme l’aurait fait n’importe quel instituteur. Chacun avait le regard fixé sur son cahier, je m’approchais de lui et faisais semblant de lui tirer les oreilles. Il mimait la douleur en inclinant la tête sur le côté opposé, se soulevait de sa chaise et lâchait un immense cri aphone. Nous étions seuls acteurs et spectateurs à la fois.
Donc, nous seuls savions. Personne n’a jamais rien vu. Laurent cessa son spectacle assez rapidement. Je m’y serais presque habitué mais ce n’était point raisonnable de perpétuer l’affaire, il avait tout compris.
Quel enseignant aurait agi de la sorte, sans broncher, quasiment en complice de la comédie ?
Pas surpris, pas vexé, pas révolté… Je l’ai laissé libre de son affaire.
Un jour la maman de Laurent est venue me voir, j’étais très étonné de sa visite car la classe était de haut niveau, je ne risquais pas d’abimer ces écoliers, ils étaient capables d’avancer sans moi.
Elle est juste passée en coup de vent :
– Ah voilà, je vous ai vu, Laurent n’arrête pas de me dire, viens voir comme mon maître est marrant !
Puis elle est partie sans rien dire d’autre ni sans demander ce que d’ordinaire un parent aime connaitre de la scolarité de son enfant. Elle ignorait notre secret.
Dans sa globalité, la situation était vraiment spéciale. Unique, j’imagine, dans les annales de cette école prestigieuse et dans le parcours de tout enseignant.
A la sortie de 16h30, les enfants se postaient à divers endroits pour voir où j’habitais. Certains me suivaient à vélo car je me rendais à la gare pour prendre le train.
Lorsque j’ai compris leur jeu, je les ai invités à un quatre heures chez moi, un mercredi. C’est une maman qui les a accompagnés. Je leur ai fait des tours de magie.
A mon départ en fin d’année, j’ai eu beaucoup de témoignages de sympathie, tant des enfants que des familles. Comment voulez-vous que je ne me remémore ces moments heureux pour égayer mon présent.
Et dire que l’on appelle ces charmants passages d’une vie « nostalgie » !
Un Merlin malgré lui, j’étais cet histrion discret qui s’amuse encore aujourd’hui.
Ce que l’on nomme nostalgie n’est finalement pour moi qu’éclairage permanent de ma vie.
Sur l’image en titre, Laurent est cet enfant debout à mes côtés, que l’on voit de face.
La parole est aux hiboux :