Une main qui ne tremblait plus.

Je vais vous raconter une histoire édifiante.
Cela montrera que l’on peut être ferme et exigeant sans casser les gens.

J’avais dans ma classe une petite fille, je la nommerai Joséphine en souvenir de Baschung (Osez Joséphine) pour ne pas révéler son identité.
Une très bonne élève.
Joséphine suivait sans difficultés et se serait passée de mon enseignement sans trop s’appauvrir.
La seule chose qui jurait dans ses productions, c’était l’état de son cahier, mal tenu, taché, mots illisibles.
Son écriture fantaisiste, comme si elle bâclait son travail en négligeant la présentation de ses productions, jurait fortement avec son apparence de fillette équilibrée et souriante.
Je crois qu’on avait toléré trop facilement son attitude, puisqu’elle suivait bien, pourquoi la déranger ?
Elle s’était installée dans cette facilité.

Un jour, je m’assois à côté d’elle et lui demande pourquoi aucun effort n’était fait pour présenter son travail. Je lui disais qu’elle était bonne élève, son seul effort devait porter sur le soin de ses productions écrites. Je tournais les pages de son cahier sous ses yeux pour qu’elle comprenne.

Grosso modo, une dizaine de jours plus tard sa maman m’attendait devant l’école. Elle m’annonça que Joséphine dormais mal depuis que je lui avais fait cette remarque.
– Où est Joséphine ?
– Elle s’est cachée dans la voiture.
– Allez la chercher.
Joséphine se présenta devant moi tête basse.
– Montre-moi tes mains.
J’ai fait mine d’inspecter l’état de sa main droite et lui dis :
– As-tu une infirmité au niveau des doigts qui t’empêche de bien écrire ?
– Non.
– Donc, malgré cela tu vas continuer…
Evidemment, c’était une affaire d’état d’esprit, de paresse passagère, de facilité et non de doigts.

Je me tourne vers sa maman :
– Bien, je n’ai aucune intention de la braquer ni de la gêner, si on se met d’accord tous les trois, j’arrête de lui parler de présentation du travail et on verra la suite.

Sa maman qui venait de cerner le problème, me demanda de continuer mon attitude. Il me fallait l’aval de l’enfant qui acquiesça aussitôt. C’était inutile d’en faire plus, j’ai topé avec Joséphine qui m’adressa un sourire.

Dans la classe tout se déroula normalement sans même que j’aille voir ce qu’elle produisait en direct.

Un mois plus tard Joséphine vint vers moi avec son cahier et me dit exactement ceci, avec son meilleur sourire :
– Maître regardez comme mon cahier est beau ! Vous avez bien fait de me forcer à m’appliquer.
– Je ne t’ai pas forcé, je te l’ai fait remarquer puis demandé.

Plus jamais, on ne revint sur cette affaire, tout était rentré dans l’ordre sans efforts démesurés.
Quand je rencontre Joséphine, elle me sourit et me salue, on bavarde parfois.
J’ignore si elle se souvient de ce passage, je pencherais plutôt vers l’affirmative.

Moralité : Les trois affaires.
Laissons courir le poisson dans l’eau, c’est son affaire. Ne le mettons point dans un bocal.
Un enfant en apprentissage scolaire c’est une autre affaire, nager n’est pas inné pour lui, il apprend les gestes fondamentaux et les intègre, si possible… Ceci est notre affaire d’enseignant.

L’image en titre a été réalisée avec une seule noix.

2 Comments

  1. Cette jeune demoiselle a eu vraiment de la chance de t’avoir comme professeur, tu est un tres bon pédagogue qui s’intéresse au travail d’un enfant et de lui faire comprendre que cest dans son propre intérêt a ce dépasser et d aller plus loin
    ton histoire est vraiment très belle et elle est trés parlante et d’actualité car peu de personne prendrais ce temps là pour apporter de l’aide de nos jours
    Marielise

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