La chasse aux fautes.

Aujourd’hui, je me lâche et ça ne plaira pas à tout le monde.

La chasse aux fautes était un exercice très pratiqué dans les années 50/60, à ma connaissance.
Que faut-il en penser ?

Il s’agissait d’un exercice particulier de l’orthographe qui consistait à trouver les fautes dans un petit texte et les corriger si possible. On soumettait donc une sorte de dictée déjà écrite comme si c’était celle d’un enfant, chacun jouait au maître d’école pour pointer les erreurs dont le nombre était proposé en tête d’exercice.
Par exemple : Dans ce texte, il y a 8 fautes.

Comme dans toute initiative il y a du bon et du mauvais, à boire et à manger. Fatalement toute nouveauté s’accompagne d’un lot d’effets pervers quasiment jamais anticipés.

Pour moi qui étais un galérien de l’orthographe, abonné aux meilleurs scores largement au-dessous de zéro, c’était de bon aloi.
Pourquoi ? Je me le suis longtemps demandé et j’ai trouvé une explication sans être certain que ce soit la bonne.
J’avais plus l’esprit scientifique que littéraire et dans cet exercice j’avais l’impression d’être un explorateur qui cherche les pépites, des pépites brutes qu’il fallait polir, raffiner pour en faire des bijoux orthographiques. Avouez que c’est assez original comme idée qui valait bien son pesant d’intérêt pour un sinistré de la dictée.
Je m’y aventurais donc avec un succès très mitigé, après un temps laborieux au cours duquel je faisais plus de fautes que celles annoncées, c’était le risque, j’ai eu quelques réussites encourageantes. Des découvertes qui m’ouvraient l’esprit puisque la démarche était celle d’un orpailleur.
Lorsqu’on est un mauvais explorateur, surtout au début lors des balbutiements, on voit le mal partout et on débusque des erreurs là où il n’y en a pas. Ainsi pour rester dans le bon compte, on pointe bien huit fautes trois ou quatre bonnes et les autres inventées. Avec les fautes oubliées et celles supposées, au lieu des huit annoncées, on se retrouve sans le savoir avec neuf, dix, onze erreurs, jusqu’à seize dans l’improbable pire des cas… C’était l’effet pervers de l’exercice et c’est la vie.
La vie est contrastes et ne baigne pas que dans le bonheur… Il y a moyen d’éclairer cela.

A force de m’entraîner et de remettre cent fois l’ouvrage sur le métier, j’ai fini par devenir petit chasseur de fautes sachant presque chasser. Le temps fera de moi un sioux grand chasseur de gibier orthographique, un « pampeur » sachant « pamper » dans la pampa de l’écrit.
Vous me voyez heureux de jouer avec les mots, c’est donc que mes souffrances de médiocre élève me font sourire aujourd’hui.

Les pédagogistes de haute volée, qui pensent mieux que personne, ont eu raison de cette pratique en la clouant au pilori. La pédagogie, à mon sens, est un art et on ne progresse pas dans l’art, il faut savoir apprécier l’ancien comme le moderne, à l’aune de leur pesant d’or.

L’argument guillotine était séduisant, le risque est trop grand d’inciter les enfants à trouver des fautes là où il n’y en a pas. C’est vrai, mais à l’époque l’écriture droite était infiniment plus répandue qu’aujourd’hui.
Qu’on ne dise surtout pas que l’on faisait souffrir les enfants comme s’il fallait anesthésier toute souffrance ordinaire pour progresser dans une matière. Avec tous mes handicaps, auditif, de lecture et d’écriture, je suis parvenu à donner le meilleur de moi même, en retenant le positif et oubliant, sans effort, tout le négatif. On dit bien, c’est très féminin, il faut souffrir pour être belle, pourquoi pas pour s’améliorer en classe.
Souffre-t-on moins aujourd’hui avec un laxisme sidéral en la matière? Avec les justifications ? Les fausses protections ? Le prétexte de l’enfant heureux alors qu’il est enfant roi ?
Lorsque les rois sont partout, les écoles sont peuplées d’enfants qui font leur loi, bousculent les enseignants, gaspillent et dispersent le savoir. Ce sont ceux qui ne savent rien, puisqu’il sont en situation d’apprentissage, qui imposent le pas cadencé. A quoi bon avoir des enseignants.
L’autre hic, a mon avis, est le manque de formation de ceux qui se destinent à l’enseignement, leur niveau a faibli et la distribution du savoir en pâtit. A ce rythme là, il y a fort à parier que la chute va s’amplifier, bientôt on n’aura plus que des pions pour qu’existe encore un semblant d’école.

Il y a une bonne quarantaine d’année, à l’occasion d’une inspection, une inspectrice me demandait mon avis sur la réforme de l’orthographe, je lui répondais :
– A force de réformer pour « le bien de l’écolier », c’est l’autorité qui fout l’camp de l’institution. La révision de l’orthographe, ortho signifiant rectitude, aller droit, c’est le symbole qui vacille, qui annonce une décadence.
– Vous n’exagérez pas là ? Me répondit-elle.
– On n’en reparlera, il est trop tôt pour le constater.

Avec cette réponse, on avait la preuve que rien ne vaut être sur le terrain, ceux qui se disent penseurs, pensent, ils pensent mais ne pratiquent pas.
Où en sommes nous aujourd’hui ? La grande démocratie, l’ouverture de l’école à tous les vents, qui doit résoudre ceci ou cela, prendre en son sein tous les maux du monde et de l’actualité est une vaste comédie, une vaste escroquerie. L’apprenti forgeron forge, l’apprenti écolier s’imprègne des fondamentaux plutôt que s’éparpiller en connaissances et causes trop dispersées.
Il sera très difficile, je ne le crains pas j’en suis certain, de recoller les morceaux, à moins qu’une guerre ne surviennent pour remettre les pendules à zéro.

Et puis les temps ont changé, il ne sert à rien de geindre sur un sarcophage.

Naguère, mon grand souhait fut que je me trompasse énormément… Le mammouth que je suis a la trompe trop longue pour se tromper infiniment 🙂 Hélas,

Dans le prochain article, je vous raconterai, l’effet bénéfique d’une certaine « autorité », il sera intitulé « Les mains qui ne tremblaient plus ». Une souffrance qui engendre une guérison.

Ni la faute à moi !
Ceci est l’image d’origine, un bel oiseau s’en est allé…

4 Comments

  1. Bonjour Simonu ,
    Hélas ! Hélas ! Que de vérités !
    Mais que nenni , juste une évolution des réformes de l’éducation nationale qui se plaît à rendre l’être humain ignorant dans sa toute sa splendeur .
    L’IA prendra la relève …
    Votre inspectrice est elle toujours de ce monde ? 😉
    Belle journée

    1. Bonjour Pierrette,
      Sans doute plus de ce monde, je l’aimais bien, c’était une femme intelligente qui savait détecter les aptitudes et les compétences de ses enseignants. Elle m’emmenait avec elle aux conférence pédagogiques pour que je donne mon avis, elle y tenait beaucoup. Un jour , sa voiture s’essouffle dans une montée, derrière on claxonne beaucoup, elle panique et me demande de prendre le volant. Je ne conduis pas, elle a ramé avant de redémarrer.
      Elle cherchait à me convaincre de ne plus rester dans l’ombre et disait qu’on avait besoin de moi dans la recherche et au minimum prendre le poste de conseiller pédagogique. Elle m’avait bombardé membre permanent du jury aux examens de ma spécialité… Comme à mon habitude, j’ai refusé toute offre et me suis fais rayer du jury. Pour cette dernière attitude, j’avais mes raisons précises.
      Il lui arrivait de me demander de la recevoir le soir après 17 heures avec une inspectrice du département voisin. Elles me soumettaient des cas rencontrés lors d’inspections, elles prenaient mon avis que je donnais avec circonspection à travers leurs descriptions. Sans connaître l’enfant, je prenais des pincettes et évoquais des pistes seulement, jamais un avis tranché.
      Voilà, c’était une femme lucide, un peu tirée par son idéologie, mais reconnaissait ce qui était raisonnable et raisonné. Je l’aimais beaucoup, j’ai apprécié d’être sous son autorité.
      Bonne journée P.

  2. Simonu merci d’avoir répondu ,
    Cette brave et intuitive dame doit vous soutenir de sur son nuage où qu’elle se trouve 🙏 .
    Un jour Eole pousse les nuages et le soleil ☀️ réapparaît.
    Cette lumière que vous avez si bien caché par pudeur et respect.
    miroir es tu là ? ! 👏
    Le bonjour est à vous 😉

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