L’exercice est inhabituel.
Je tente tout ce qui me traverse l’esprit, même totalement loufoque et inattendu, c’est le cas aujourd’hui.
J’étais assis à la table d’un restaurant/pizzeria, j’attendais mon tour, l’œil toujours en balade.
Sur le comptoir, dans un panier, trois petites bouteilles d’huile piquante semblaient converser.
L’angle était séduisant, propice à l’imagination.
Alors j’ouvris les barrières de mon imaginaire pour qu’il aille paître dans ce champ d’osier frelaté rempli de belles images inventées. Juste un peu de folie pour libérer la gambade des idées comme des cabris effectuant des sauts désordonnés parmi les herbes verdissantes et les fleurs célébrant un printemps nouveau.
Les mignonnettes, le bec haut et le col dégarni, semblaient tristounettes pourtant, quasiment démoralisées. Deux d’entre elles conversaient discrètement, l’autre plus en retrait, boudait. J’entendais tout, malgré leurs efforts de voix susurrée.
Un sourire sur les lèvres et le regard perdu, je m’étais évadé depuis un bon moment en rejouant la scène que je m’étais inventée.
– Combien aujourd’hui ?
– Deux !
– Deux seulement ?
– Et toi ?
– Trois, pas beaucoup, non plus.
– Oui c’est triste, les gens n’aiment plus le piquant. Que va-t-on devenir ? Tiens, regarde la copine avec ses aromates et ses piments oiseaux dans le fond… plus une goutte d’huile et plus renouvelée depuis une semaine. La poubelle, bientôt ce sera la poubelle alors que nous étions les meilleures pour aller piquer les papilles…
– La pizza n’est plus ce qu’elle était, t’as vu la pâlotte passée à la crème fraîche ? La napolitaine n’en revient pas. Ma che Gigi ! Tu me fais des infidélités ? Souviens-toi, les câpres, les anchois et cette tomate, cette mozzarella ! Giorgio à la pasta et sa mamma à la salza ! Et qu’est-ce qu’ils connaissent ces américains à part le burger, la crème, le sucre et le miel ? Tutto zucchero ! Et moi, je suis là en carafe en attendant qu’on m’attrape ! Tu vois mon avenir ?
– Le recyclage !
– Quoi ? Quel recyclage ! Basta ! Ciao !
Et puis lorsque Maria approcha sa petite main, qu’elle empoigna mon goulot avec délicatesse… Elle me secoua… propulsa quelques giclées sur sa pizza… Alors me voilà… encore tout plein de joie… encore plein de jeunesse…
Arriva… pianu, pianu… le temps des pizzas à nouveau… et c’est pour très bientôt… nouvelle allégresse comme une caresse…
C’était quelques jours avant le début de l’été.
Déjanté va !
Moi déjanté ? Regarde, je suis plein de vie et d’envies !