La belle surprise.

Ce matin, je jugeais de l’ampleur du travail qu’il me reste à accomplir dans le deuxième jardin.
Je l’ai un peu négligé car les ans m’invitent à la prudence, travailler sur une pente n’est plus raisonnable.
L’herbe, plus haute que moi, a grimpé en quelques jours de pluie.

J’avais planté quelques arbres pour meubler l’endroit. Pommier, plusieurs figuiers, brugnoniers, des pêchers nés dans l’enclos de la basse-cour, un noyer, des cerisiers sauvages greffés, un prunier. Les plus âgés ont une douzaine d’années, les plus jeunes deux ans.
Les abricotiers jusque-là sans fruit commencent à produire timidement, le prunier est chargé, les figuiers vont sans doute « figuer » si j’en juge par les naissances à l’aisselle des feuilles.
Le noyer encore jeune, neuf ans, devra attendre trois ans, minimum, pour produire ses premiers brous.

Une belle surprise m’attendait, je l’avais presque oublié, celui-là.
Il y a exactement huit ans, je le plantais en espérant goûter ses fruits dont je raffole.
Il mesurait un peu plus d’un mètre lorsque la deuxième année, il fut attaqué par le chancre (gommose, maladie provoquée par un champignon) juste au ras du sol. Une grosse caverne rongeait son tronc, d’une simple poussée du doigt, il s’est cassé net. C’est courant en cas de chancre. J’étais très déçu.
L’année suivante, j’ai remarqué des ramées qui repartaient du bout de tronc qui dépassait du sol. Pendant quelques années, je le regardais de loin, il progressait lentement, se fichait de la sècheresse, je ne l’arrosais plus. Il me regardais passer sans frémir, il avait de la suite dans les idées.
Au jugé, à vue de nez, il doit mesurer 80 à 90 centimètres. Regardez sur l’image en titre on le devine sur la partie droite, un peu plus bas que le noyer. Vous aurez du mal à l’identifier.
Je me suis approché et là, surprise, j’ai vu ses fleurs pour la première fois. Mon visage s’est illuminé malgré la mine fatiguée de son feuillage qui semble avoir souffert du trop de pluie ces derniers jours.

Mon kaki fuyu, malgré sa taille toute juvénile semble décidé à me présenter ses premiers fruits.
Oh ! Il n’a rien dit en me voyant l’observer et le photographier sous toutes les coutures ! Il était pourtant étonné comme les lapins d’Alphonse*, sans doute préférait-il contenir sa joie intérieure.
La fructification est incertaine malgré son auto-fertilité, je n’ai pas vu le moindre insecte pollinisateur qui pourrait l’aider.
C’est peut-être pour cela qu’il restait discret… Rien n’est encore sûr malgré sa huitième année au jardin.

J’irai le voir plus souvent et si d’aventure, ses fruits venaient à fondre avant maturation, nous attendrons l’année prochaine. Mon kaki pomme, plus connu sous ce nom, a bien du mérite pour avoir retrouvé des forces malgré mon abandon. Je vous tiendrai au courant de son évolution…
Je n’y croyais plus, ce fut une sacrée surprise…

*Rappel : Etre étonné comme les lapins d’Alphonse en référence à « Ce sont les lapins qui ont été étonnés ! »
Installation, Les lettres de mon moulin. Alphonse Daudet. Une expression comme j’aime en inventer.