Ascension ou décollage difficile ?

 

Dans une région comme la nôtre, le jour de l’Ascension est encore fêté avec ferveur.

La croyance y est toujours très forte et ce jour-là, herbe et œuf de l’Ascension, gardent une place importante dans l’esprit des pratiquants et des non pratiquants.

L’herbe récoltée très tôt le matin avant le lever du soleil est accrochée au mur d’une chambre et est censée porter bonheur à toute la famille. Attachée avec une ficelle, elle termine son cycle végétatif par une inflorescence avant de sécher et mourir de sa belle mort. Si d’aventure la plante venait à périr avant de fleurir, un malheur touchera la famille dans l’année.

L’œuf pondu en premier en ce jour de fête est conservé pour ses vertus « repousse feu » et « parafoudre ».  Gardé entier, il ne devrait pas pourrir et vidé pour ne conserver que la coquille, il sera jeté dans le feu pour éviter l’incendie de la maison ou posé sur le bord d’une fenêtre pour protéger de la foudre les jours d’orage.

L’herbe de l’Ascension est une plante grasse bisannuelle. La première année ses racines ont une fonction de nutrition et gorgent les feuilles de réserves. La deuxième année elles perdent leur fonction nutritive pour ne conserver que la fonction de fixation (maintenir la plante fixée entre des cailloux). Les feuilles prennent le relais pour nourrir une inflorescence qui va achever le cycle vital par une production de graines.

On imagine facilement, que la ficelle supplée les racines pour maintenir la plante contre un mur. Rien d’étonnant qu’elle poursuive son évolution de deuxième année.

L’œuf est le plus souvent vidé afin d’éviter la mésaventure du pourrissement et lorsqu’il est conservé entier, il sera jeté le plus loin possible de la vue afin de ne rien constater. Il est même fortement conseillé de ne pas vérifier sous peine de devenir aveugle en tentant le sacrilège.

Les croyants parlent de témoignages pour prouver l’exactitude des pouvoirs cités plus haut.

Le terme de témoignage est abusif car il ne témoigne de rien d’autre que du constat de faits ordinaires de la vie. Le terme est trop fort à dessein et n’abuse que les esprits faibles.

Dans toutes les maisons qui ont arboré l’herbe de l’Ascension, nécessairement, une année ou une autre, un ou plusieurs décès surviendront  sans que l’on fasse état d’une plante qui a pourtant parfaitement fleuri cette année-là. Inversement si la plante ne fleurit pas, un « malheur » lui sera immanquablement associé. Evidemment, si rien ne se passe dans la famille proche, on cherchera à relier le phénomène avec un drame éloigné… ce ne sont pas les cousins qui manquent. Le plus souvent on ne dit rien …

Je me souviens de ma grand-mère qui avait très peur des orages, posant des morceaux de coquilles sur toutes les fenêtres lorsqu’un orage s’annonçait.  Une fois l’intempérie passée, elle me disait que c’était grâce ses coquilles si la foudre avait épargné la maison et que l’orage était passé si vite. J’avais beau lui dire que le propre d’un orage était de faire beaucoup de bruit en un temps relativement court… rien n’y faisait. Et toutes ces maisons épargnées sans coquille ?

J’avais également suggéré à ma tante, sacristaine convaincue, de m’autoriser à accrocher dans ma chambre une plante voisine de l’herbe vénérée afin de lui faire constater le processus identique, elle n’a jamais accepté. Ma chambre était dans sa maison, elle ne voulait pas de sacrilège chez elle. L’obscurantisme empêche d’avancer,  c’est bien plus commode de rester dans le noir lorsque la lumière est trop crue.

La croyance est très forte et nie le savoir car elle rime si fort avec ignorance.

Cette force de persuasion comble le vide chaque fois qu’on ne sait pas. Elle va même jusqu’à refuser, réfuter le savoir car elle permet de s’accrocher à la vie encore plus fort… D’ailleurs ne dit-on pas « on sait qu’on va mourir mais on ne le croit pas » ?

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