Noël au lumignon, Saint Sylvestre à l’édredon.

Je me souviens, lorsque j’étais enfant, un vieux grand-père de la Navaggia regardait passer un avion à réaction avec grand étonnement. Il avait du mal à croire que des gens se déplaçaient dans les airs, à la fois dubitatif et admiratif. Il ne savait vers quel qualificatif pencher.
La longue ligne droite dessinée dans le ciel le laissait pantois.
Je l’ai entendu murmurer « Si iddu strappa un pilferru ! » (Si un fil de fer lâche !)
Il n’était pas rassuré pour les voyageurs et jurait de ne jamais s’aventurer si haut à côtoyer les nuages…

Nous savons le chemin parcouru depuis.
Nous étions habitués aux coupures de courant, l’hiver surtout, à nous éclairer à la bougie ou aux quinquets, ces lampes à pétrole qui trônaient au-dessus de l’âtre de nos chaumières. J’ai connu le lumignon de tante Marie, allumé en permanence sur la cheminée pour éclairer la mémoire des défunts. C’était une petite mèche flottante qui surnageait sur une nappe d’huile dans un verre d’eau. Même ces maigres éclairages nous semblaient suffisants en cas de noir total et soudain. Personne n’était surpris par la panne électrique, nous avions tous de quoi déjouer la fuite des lux. Nous étions mécanisés à ces allées et venues intempestives de l’éclairage.
Parfois, en cas de bougie défaillante ou manquante, il y avait toujours un bout de bois gras gorgé de résine, c’est ainsi, à cette lueur, que nous faisions rapidement nos devoirs avant que le dernier recours lumineux ne rende l’âme

Saurons-nous, nous accommoder de ces fondamentaux, aujourd’hui ?
Rien n’est moins sûr. La pointe du progrès est si pointue que le moindre composant défaillant provoque l’effondrement total d’une ville.
Qu’une panne électrique prolongée survienne et voilà la vie paralysée. Plus rien ne marche, les ascenseurs refusent de se mouvoir, les frigos, congélos, télés, appareils divers, médicaux ou domestiques cessent de fonctionner. Même le temps s’arrête aux appareils ménagers branchés au réseau EDF.
Imaginez les personnes sous assistance à domicile qui doivent gagner un centre médicalisé pour rester en vie…
Il ne suffit plus d’attendre le retour du courant pour que tout refonctionne, encore faut-il savoir reformater les mécanismes.
C’est prometteur pour les véhicules électriques. A peine lancés, à peine annoncés « avenir de l’homme » et les voilà déjà obsolètes ! Qu’une batterie rende l’âme, il faut recourir à la valise électronique pour détecter les points de rupture à régénérer.
Tout clignote et rien ne clignote utilement.

Naguère, si votre auto tombait en panne, il suffisait d’aller chez Tinu, un bout de caoutchouc pour colmater une fuite, un coup de marteau parfois suffisait à impressionner la récalcitrante et vous voilà reparti en direction de Quenza… Tranquille.
Devant votre téléviseur en noir et blanc qui rechignait à diffuser un programme correctement, distordant les images, il suffisait de se lever et de frapper un grand coup de poing sur le capot, la petite lucarne retrouvait la raison, illico. Elle aussi redoutait les coups sur la tête et répondait favorablement à ces injonctions d’un autre temps. Un coup trop fort, on savait que c’était fini, il fallait filer chez Valère, virtuose reconnu du dépannage ORTF ou chez François Stromboni, l’un et l’autre ne vidaient point votre portemonnaie déjà bien peu garni.
Au lieu de faire jouer l’assurance, ils actionnaient le crédit sur parole ou vous dépannaient gracieusement.

Et si le progrès était source de tourments avec son cortège d’effets pervers ? Non ?

Le vrai problème, est que nous avons perdu l’habitude du peu et du suffisant, il nous faut tout, tout de suite, à cela, le progrès n’y peut rien, non plus.
Faudra-t-il invoquer Saint Progrès pour qu’il nous préserve des désagréments des temps modernes ?
Un Saint est éternel, recourir aux prières pour avoir ses faveurs n’est-ce pas marquer les limites du progrès, finalement ? Condamnés à une sorte de chassé croisé entre le croire et le savoir…

Je n’irai pas jusqu’à dire « c’était mieux avant », le risque d’être sifflé est trop grand…
Un peu d’humour froid n’a jamais fait de mal à personne !

St Sylvestre à l’édredon…

1 Comments

  1. Nous sommes devenus des enfants gâtés qui n se rendent même plus compte de leur chance.
    Dans mon enfance dans les Landes, les coupures arrivaient sans que l’on ait été prévenu, on était habitués et comme il n’y avait de chauffage que lorsque quelqu’un était malade, cela ne changeait pas grand chose. Personne n’en faisait un drame.
    En été, c’était l’eau qui était coupée parfois…
    On a survécu 😉

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