Postures.

filIl m’arrive, bien qu’agnostique, de regarder la messe le dimanche à la télé. Les gens qui me connaissent et passent chez moi par hasard sont étonnés. Pourtant, il suffit de penser que je ne regarde pas la messe en regardant la messe sur le petit écran. J’observe les réactions au gré des plans des caméras. J’écoute les prêches puis me mets dans la peau des fidèles pour tenter de comprendre ce qui motive leurs réactions. J’agis de la même manière en suivant les débats, j’écoute le fond mais je m’attarde aussi beaucoup sur la forme. Cette dernière est souvent plus révélatrice d’une personnalité. Les mimiques, les hésitations, l’agressivité… les postures, tout parle de vous.

Le conflit palestinien est un excellent révélateur des personnalités politiques.

Aujourd’hui, Yves Jégo était l’invité de la matinale Itélé et devait s’exprimer sur la manifestation interdite dans les rues de Paris. Droit dans ses bottes, il n’a pas hésité à poser les responsabilités sur le gouvernement qu’il juge incapable d’assurer la liberté d’expression tout en jugulant les possibles bavures collatérales. On sent qu’il s’affirme pour prendre position dans son parti, peut-être vise-t-il sa présidence ? On aurait aimé le voir aux affaires pour mesurer l’efficacité et l’efficience de ses propos.

Le journaliste qui l’interviewait, Claude Askolovitch, est un type génial. Un homme de conviction qui parle comme un livre ouvert, ouvert sur son credo comme le font les copains sur un autre mode. Mais lui, de prime abord, est le plus persuasif.

Il apparait à l’écran, légèrement penché vers sa droite, le coude planté sur la table, le menton pincé entre pouce et index arrondi sous sa lèvre inférieure. Il attend ainsi, l’air sérieux avec une pointe de malice dans ses yeux, le début de son prêche. Durant son attente, on devine le penseur prêt à tout dire. Pas un penseur à la Rodin, la tête basse, mais un penseur à la tête bien haute soutenue pas son pouce.

Il attaque bille en tête sa leçon bien construite et surtout bien retenue. Il débite ses arguments avec une telle logique dans la conduite de son raisonnement qu’on n’y voit que des certitudes. Son analyse de haute volée est séduisante et me conduirait presque à le suivre sans aucune hésitation s’il ne me rappelait le temps où je me prenais pour un magicien en épatant ma petite galerie de mes tours de passe-passe. C’était merveilleux, un ton assuré, beaucoup d’enrobage et j’invitais à « choisir » une carte dans un paquet tendu en éventail. Evidemment, personne ne choisissait rien, cela s’appelle le tour de la carte forcée. Notre cher Claude me fait le même effet. On a l’impression qu’il peut vous conduire où il veut, comme il veut. Il possède le don d’un magicien de la politique et surtout de la géopolitique qui concerne le proche orient. Jamais, il ne faiblit. Pensez-vous pouvoir l’entendre dire un jour : « Ah, oui, vous avez raison, je n’avais pas vu cet angle.. » Impossible, il a déjà tout pensé, tout cadenassé. Entendez-le poser ses questions qui contiennent sa réponse : « Vous ne pensez pas qu’il faut… ? » Et l’interlocuteur déjà rompu, lui aussi, à ce genre d’exercice répond ce qu’il veut mais doit se débattre pour s’écarter de la réponse induite dans la question.

La vedette, la personne mise en lumière lors d’une interview est l’invité, sinon à quoi bon prendre son avis. La meilleure façon de le mettre en lumière, c’est de parler le moins possible en le laissant s’exprimer. Il est là pour donner son éclairage et non pour suivre la direction imprimée par le journaliste. Et cela Claude ne sait pas le faire… heureusement que ces interviews de matinales sont de courte durée.

Certes, l’homme est de qualité et des plus informés. Un peu trop enfermé dans ses certitudes, sans doute trop rigide qui gagnerait en affichant quelque souplesse. Dommage qu’il ne se rende au cœur des conflits pour porter la bonne parole, il est toujours plus facile de résoudre de si graves problèmes avec des raisonnements très bien construits mais pour la parade seulement.

Seul le contact permet la mise à l’épreuve de ses solutions. La réalité est sourde aux meilleures intentions et hors de cette raison point de commentaire perpétuel.

Bien évidemment, je n’ai parlé que de la forme, je serai bien incapable d’aller chercher le fond des choses faute de connaissance et donc sans arguments. Il y a deux manières de regarder un magicien, soit on boit ses gestes et paroles en applaudissant, soit on cherche à comprendre le déroulement de ses tours… mais quand c’est bien exécuté, on n’y voit que du feu.

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