Un retour à la nature avec les chats du quartier. L’un en vadrouille retrouvé par hasard, l’autre, la fille, se disputant une patte de poulet avec les minets.
Je revenais tous les ans dans mon village natal pour les vacances scolaires. C’était l’occasion de plonger mes enfants dans mes racines profondes et de parcourir avec eux quelques coins que j’avais fréquentés dans ma prime jeunesse. Je leur racontais mes bêtises et j’ai su bien plus tard qu’ils n’ont pas oublié de me copier… un peu.
Nous avions construit notre maison à flan d’une colline qui surplombe la vallée de mon enfance. C’était la seule bâtisse du coin quasiment noyée dans le maquis. Le matin, au lever, j’entendais du bruit dans la tente des enfants. Un bruit étrange de casseroles. C’était dame belette qui fouillait sous la canadienne sans doute en quête de nourriture. J’avais installé une table au milieu de la place pour le petit déjeuner. Nous attendions sans parler la venue de notre mustélidé. Elle ne semblait avoir peur de rien. Juste un peu hésitante, elle venait sous la table frôlant nos pieds pour chaparder un bout de pain ou de gâteau que nous jetions pour l’attirer. Personne ne bougeait et sa visite enchantait les enfants… nous la regardions filer jusqu’au trou laissé dans le muret qui servait de tunnel entre la cour et l’extérieur, avec sa bouchée entre les dents pour nourrir ses petits dans un endroit resté secret.
Dans la nuit étoilée, la chouette et le hibou prenaient le relais. Elle ululait et lui bouboulait, parfois l’un ou l’autre sifflait si bien que nous pensions qu’une personne cachée dans l’obscurité nous faisait une farce. Combien de fois avons-nous fait le tour de la maison pour débusquer le fantôme facétieux…
Cet endroit est devenu notre Paradis que j’ai décrit à plusieurs reprises.
Les petits enfants ont déjà leur coin préféré. L’une derrière la cabane sous le forsythia, l’autre dans le jardin et les trois petites choisiront plus tard.
Cette parenthèse estivale était très attendue. C’était l’occasion de retrouvailles avec les amis d’adolescence et parfois de rencontres qui vous renvoyaient très loin dans l’enfance et que vous n’attendiez pas. Je devais avoir la trentaine bien sonnée, lorsque deux dames que j’avais reconnues mais que je n’osais pas aborder, se sont approchées de moi. Elles m’ont regardé avec un sourire attendrissant comme si j’étais un enfant. L’une d’elles m’a caressé le visage en disant : « Tu as toujours ces yeux pétillants que je regardais vivre… Tu me reconnais ? » Bien sûr que je la reconnaissais, c’était ma maîtresse de CP et l’autre mon professeur d’italien lorsque j’étais au collège du village. J’ai retrouvé la douceur de leurs regards pleins d’humanité et de bienveillance. C’est sans doute à leur contact que j’ai hérité du même regard à l’égard de mes élèves. Je n’avais pas beaucoup changé dans leur imaginaire d’enseignantes dont l’une était retraitée de fraîche date. Pour elles, leurs anciens élèves restaient définitivement des enfants. C’étaient leurs yeux et leur sourire qui trahissaient cette presque nostalgie du passé qui les poussait à y revenir sans cesse à chaque rencontre avec un écolier d’alors. Je me souviens des cours d’italien. J’avais pris l’habitude de m’assoir avec une jambe pliée sous les fesses. C’était une position confortable pour moi et chaque fois que je me remettais en position normale, Melle Comiti avec sa gentillesse naturelle et sa voix douce, me demandait de rester comme j’étais. Au-delà de l’enseignement strict et de leur sens pédagogique, elles savaient qu’elles s’adressaient à des humains avec leurs travers… et pour moi qui étais en grande difficulté cela a énormément compté. Elles étaient à l’enseignement ce que les impressionnistes étaient à la peinture… une quête de lumière. Une lumière qui m’a sans doute éclairé sans que j’en connaisse l’origine. Maintenant, je sais d’où vient cet éclairage.
Le temps a beaucoup passé mais je n’ai jamais oublié la rencontre avec Mme Rocca Serra et Melle Comiti devenue Mme Marcellesi. Un instant de plaisir au cours duquel on ressent très fort ce qu’humanité et altruisme veulent dire.
En écrivant ce texte, je prends conscience d’avoir beaucoup retenu du versant des belles choses de la vie… L’adret plutôt que l’ubac, la vie au soleil mais l’ombre en filigrane pour garder en mémoire les contrastes de ce monde…
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Je découvre par hasard votre blog… Monsieur, je vous salue. Et vous remercie infiniment pour ce texte empreint d’une merveilleuse nostalgie (de nos jours, c’est presque considéré comme une tare. Vous êtes de ceux qui ont tout compris de la vie, du temps qui passe.. votre profondeur me bouleverse…. et me rassure. Vous me faites un bien fou. Merci.
Bonsoir Nina. Merci d’être passée par là, c’est toujours un plaisir d’apprendre que lorsqu’on sème à tout vent, on ne produit pas que des courants d’air et tant pis pour ceux qui n’y voient que tare ou faiblesse. La vie est belle, profitons de tous ses instants, ils ne font que filer… Je vous salue également.
Texte émouvant. Nostalgie et poésie du Temps passé avec ses moments forts qui imprégnent nos souvenirs. Joli parallèle entre la peinture impressionniste et la mise en lumière de ces mêmes souvenirs !… Un plaisir de lecture.
Fantastique de voir que, lorsqu’on est fier de ses racines, les régions se ressemblent. Bretons ou Corses, ou d’ailleurs, nos cultures in fine sont les mêmes! On aime, voilà tout! On est fier d’où l’on vient!
Merci pour ce beau message
Jeffic
Merci pour votre clin d’œil. Cela m’a transporté, un instant, sur le port du Pornic un hiver, l’endroit le plus à l’ouest que j’ai jamais visité en France. J’ai reçu une bouffée d’air marin jusque dans mon endroit de moyenne montagne corse. Mes papilles ont frémi à l’idée des fruits de mer et du homard gratiné que j’avais dégusté dans un restaurant du port. Vous avez raison, chaque région secrète ses propres « hormones » qui nous poursuivent jusqu’au bout de la vie. Bonne soirée.