Les voleurs de cerises.

En voyant ces voleurs de cerises encore en voie de maturation, une histoire a resurgi de ma mémoire.
J’étais adolescent, une vieille anecdote qui vaut son pesant de griottes.

C’était un 31 mai, jour du couronnement de la Sainte Vierge.
Un soir béni pour les amateurs de cerises primeurs.
Je me souviens de deux cerisiers précoces connus dans le village, très surveillés au moment des premières productions.
Les plus dégourdis d’entre nous étaient toujours au rendez-vous  » pà tastà i chjarasgi prumatici » (pour goûter les premières cerises)

Tout était déjà décidé avant le soir du couronnement de la Madone.
Les éclaireurs avaient discrètement visité le cerisier de Vitalbettu, l’affaire planifiée, il ne restait plus qu’à attendre la cérémonie.
Les propriétaires de l’arbre fruitier étaient des gens pieux et pour rien au monde, ils n’auraient manqué l’hommage du 31 mai.
Hélas, ils se désolaient par avance à l’idée qu’ils seraient, une nouvelle fois, victimes du chapardage annuel, perpétuellement reconduit.
Cette année-là, ils avaient eu une idée lumineuse pour décourager les chenapans.
Avant d’aller à l’église, ils avaient allumé la radio, monté le son assez fort pour être entendu de l’extérieur, laissant la fenêtre ouverte et la lumière allumée. Ils espéraient ainsi dissuader les sempiternels malintentionnés, ces redoutables coquins.

Vous imaginez la déception des trois larrons, voyant la lumière et entendant la musique.
« Quelqu’un est resté à la maison ! », disaient-ils.
Les malins de la cerise, n’abdiquèrent point pour autant. L’un d’eux fila à l’église pour vérifier la présence des propriétaires, tous étaient bien à la messe, l’esprit tranquille, la confiance remise à Dieu.
L’estafette de service, retourna sur place pour avertir ses copains du subterfuge et nos filous se mirent à croquer les drupes mûres avec grand plaisir, avalant même les noyaux. C’était très courant et connu, les plus gourmands ne faisaient point de détail, tout le fruit y passait goulûment.
Ils cassèrent quelques branches bien garnies, pour le voyage, puis l’un d’eux s’introduisit dans la maison par la fenêtre, éteignit la lumière, baissa le son du poste de sorte qu’il ne fut plus audible de l’extérieur.

Bien marris, les propriétaires des lieux se rendirent à l’évidence, rien n’arrête les p’tites fripouilles, les inconditionnels de la Burlat hâtive. Ces bigarreaux très attractifs aiguisaient la convoitise des cracheurs de noyaux et annonçaient le début du temps des cerises.
Avec la pleine saison, chaque jardin avait son cerisier, les vols cessaient, les clafoutis cuisaient dans les fours.
Un autre chapardeur faisait son apparition.
Le geai accompagnait les merles pour disperser les noyaux dans la campagne ou les environs immédiats. Quelques épouvantails tristes à mourir tentaient bien de les effaroucher sans grande conviction ni réussite, des calicots pendaient aux branches, on se serait cru dans les rues de Rio en plein carnaval !
On imaginait facilement un air de samba ! La saison fruitière était lancé.

Un vieux cerisier à Carabona.

Tout ça pour ça, pour des cerises, non pour des prunes !

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