A ne pas confondre avec l’Opéra, en lisant trop vite.
Ici, barytons, ténors, basse chantante, basse profonde, mezzo et léger soprano sont les voix de la nature.
Imaginons la fiction suivante.
Les pluies étaient dantesques.
Il tombait des hallebardes drues, le ciel s’approvisionnait en nuages lourds gorgés d’humidité. Les cumulo-nimbus tels des camions citernes pleins à craquer, déversaient leur contenu sans discontinuer.
L’eau touchait le sol par trombes, se déchaînait puis suivait les chemins que l’homme avait tracés pour canaliser les pluies, sans aucune réflexion sérieuse. On appelle cela le bétonnage intensif réalisé par des esprits sans projection sur ce qui, potentiellement, peut advenir.
Les goulettes, conduits ridicules vite submergés, semblaient avoir été pensées par des enfants, créant rapidement un écoulement anarchique. Des bulldozers formés par les vagues successives, gonflés par l’abondance des trombes venues du ciel, emportaient tout sur leur passage. Voitures, routes, ponts et supermarchés en zone basse, rien ne résistait à cette furie dévastatrice. Les torrents grondaient, rabotaient les rives, forçaient le tracé habituel en charriant les aulnes arrachés dans leur passage obligé.
Toute vie aquatique était exterminée sans réserve et sans pitié.
Au printemps, les cours d’eaux avaient regagné leur lit. Quelques truites sauvées des eaux se postaient à l’affût d’un traine-buche, d’un porte-bois, portefaix ou échevin selon les régions. Les larves de phryganes, insectes appelés sedges des moucheurs (pêcheurs à la mouche) abondaient au-dessus de l’onde vive et joyeuse. Les truites en raffolent. Dans ce courant redevenu allègre et frais, chargé de vies secrètes, les farios et macrostigmas avaient tout oublié. Ont-elles une mémoire ? Savent-elles que le grand lessivage peut encore arriver ?
Elles semblaient bien paisibles, occupées essentiellement à gober ce qui se présentait à portée de leur bouche carnassière.
La fougère et la menthe sauvage fleurie, qui attirait les argus bleus, apparemment friands de nectar mentholé, reprenaient vie également. Seuls les troncs restés bloqués entre deux rives et l’enchevêtrement anarchique de branchages, témoignaient encore du passage de la furie hivernale. Par endroits, un spectacle de désolation frappait l’imagination, suggérant stigmates d’après-guerre…
Une canicule s’ensuivit durant l’été. Les clapotis joyeux du ruisseau s’étaient progressivement changés en glapotis puis en flapotis sporadiques, plus légers, dégageant une odeur chaude d’eau stagnante. On imaginait les premiers bouillons faiblards d’une mare déjà morte qui n’abritait plus que cadavres. La faune aquatique moribonde subissait calamités hivernales puis estivales, coup sur coup.
Seule la douce respiration printanière avait remis un peu d’ordre, laissé un espoir vite devenu aléatoire et précaire.
Ce n’est plus une fiction mais un phénomène météorologique possiblement reconduit chaque année.
Naguère, dans notre village de Lévie, et sans doute dans d’autres, c’était la pratique d’une époque pas si lointaine, les hommes se réunissaient chaque année pour réaliser l’òpara, l’œuvre, l’entr’aide puisque ils intervenaient les uns pour les autres, parfois les uns chez les autres,. Plus prosaïquement, l’òpara pourrait se traduire par « l’opération ». Ils se partageaient les tâches pour ouvrir et entretenir les chemins qui menaient aux jardins, aux vergers, oliveraies ou châtaigneraies, les chemins muletiers, les quartiers et endroits publics. L’homme attentif à la nature, en presque symbiose avec son environnement.
Aujourd’hui on fait œuvre individuelle. Cette solidarité n’existe plus pour la prévention des incendies par exemple, l’œuvre collective ramenée à l’individu est une erreur. On culpabilise plus qu’on ne responsabilise, la vie en société est d’abord l’affaire de tous. Le collectif doit tout repenser pour agir ensemble et non passer la patate chaude à l’autre pour qu’il se brûle les doigts.
L’hiver 2022 a été sec, il a très peu plu, il n’a pas neigé ou si peu, l’été sera-t-il caniculaire et de grande sècheresse ?
Cela reste fort probable.
La météo annonce des pluies abondantes avec risque d’inondations pour la mi-mars, attendons de voir l’effet de cet épisode.
Il est grand temps que l’homme revienne à ses fondamentaux, qu’il se remette à l’écoute de l’environnement. La nature gronde et gémit, peut-être y a-t’il matière à réflexion pour rendre les foudres du dieu des intempéries moins destructrices.
Tous unis, une nouvelle « òpara » serait bien plus utile.
Les derniers jardins qui survivent tant bien que mal ne vont pas tarder à disparaître dans la tourmente de la grande passivité de l’homme.
Avec le potager sous serre généralisée, la vie progressera sous cloche. Nous entrerons dans l’ère d’un monde artificiel.
Avec les casques audios sur les oreilles et les yeux figés sur les portables, les photophones, symboles d’un progrès pointu, ne sortiront plus que clichés de désolation.
Gare à l’indifférence !
Excellent billet qui devrait faire la une de tous les journaux. L’eau et sa gestion devrait être notre sujet principal de préoccupation, au même titre que l’air.
Bravo Simonu pour ce bon sens qui semble avoir disparu des têtes des décideurs.
Espérons qu’il n’y ait pas trop de problèmes cette année…
Merci Al, nous sommes sur la même longueur d’onde 🙂
Un sujet d’actualité très bien écrit
Bonne soirée 🙂
Merci Gys 🙂