Voir la mort pour de faux.

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J’ai vu la mort comme d’autres voient les extraterrestres. On ne sait jamais s’il s’agit de réalité, d’hallucination ou de tromperie. Quelle est la part de rêve, d’imposture, pour épater ou berner l’autre ? Je ne vais tout de même pas me leurrer tout seul ! Alors je suis allé la rencontrer…

Rassurez-vous, je n’ai pris aucun risque, je n’ai pas joué au jeu du foulard ni à la roulette russe en espérant une belle frayeur, ni même été victime d’un de ces accidents qui vous conduisent dans le long tunnel… Je ne suis pas arrivé aux frontières de la vie pour regarder là-bas et puis revenir pour tout raconter. Je me suis endormi tout simplement.  C’était juste après le repas. Avant, je ne faisais jamais de sieste, maintenant c’est elle qui décide, je ne commande plus rien. Je m’assois dans mon fauteuil et elle arrive, d’abord sur la pointe des pieds et puis presque comme une anesthésie qu’on ne voit pas venir… je ne suis plus aux manettes de ma vie.

L’inconscient, probablement, prend possession du pilotage automatique et va où il veut, comme il veut, sans prévenir. Il parait que c’est le versant caché du conscient qui n’ose pas trop s’aventurer. Alors, il délègue ses hésitations au passe murailles pour voir ailleurs, sans péril,  ce qu’il s’y passe.

Comme dans un état comateux, j’avais la tête lourde prête à éclater. Ma conscience endormie devait avoir peur en écoutant la fatigue. C’est peut-être pour cela qu’elle a craint le pire. Elle s’est inventé un voyage dans les ténèbres. L’accès était difficile et forcé. On me poussait, je résistais mais les forces maléfiques étaient plus fortes que moi, je n’y pouvais rien. Que des gros nuages même pas d’orages. Que du noir et du gris très foncé. Du froid aussi. Un froid si prenant que l’envie d’en finir vous gagne et vous lâchez prise. Plus aucune envie de rien. Puis comme une naissance inversée, un accouchement à l’envers, le basculement dans un ventre hostile, moche, mou, visqueux, étouffant et sans cordon ombilical. Je fus aspiré comme on gobe un œuf. D’un coup, tout entier, avec habits et chaussures mais sans aucun effort, sans travail et sans douleur.

J’ai compris que la vie accouchait de vous dans la beauté des choses puis, après une gestation plus ou moins longue dans le temps d’ici, elle vous conduit vers l’accouchement dans la mort. 

J’ai eu l’impression qu’il n’y avait rien à voir ni à entendre et à sentir dans ces entrailles indifférentes à tout état d’âme. Une sensation de faux néant car si le vide  peut-être ressenti ou visualisé, le néant ne peux s’imaginer. Il n’y a pas de mouvement sans repère. Ne fermez surtout pas les yeux pour ne rien voir et imaginer une machine qui stationne alors qu’elle voyage dans un espace sans repère… elle se met aussitôt à bouger dans votre tête et se meut dans votre imaginaire devenu  le repère manquant. Le néant est un leurre pour qui est dans la vie. On peut en parler tout en gardant à l’esprit qu’on ignore de quoi on parle. Le néant ne se conçoit pas et en l’imaginant on le fait exister comme un paradoxe.

J’ai fait ce rêve et le songe a cru conduire ma visite de l’autre côté de la vie en basculant dans ses travers, ses mauvais côtés. En revenant à la réalité j’ai compris qu’il n’y avait rien à voir ni  rien à retenir.

Que savons-nous de la mort ? Tout juste qu’elle est fin de vie, tout le reste est inventé sans aucune certitude.

Y a-t-il une connaissance de la mort après la vie ? Une autre vie dans la mort ? Pourquoi est-elle « mort », alors ? Elle est mystère, seulement imaginable à la guise de chacun, jamais certitude et prétendre la connaître est une imposture.

Mon rêve me l’a montrée en peinture, c’était pour de faux et ce versant-là n’était pas beau à voir.

Photo. Le bouton de rose a été photographié dans le cimetière de mon village. J’ai imaginé la vie qui tient à des fils et derrière, le flou qui nous attend.

2 Comments

  1. La pensée de la mort est présente dans nombre de vos textes. Ils disent cependant une perception heureuse de la vie, mais teintée de mélancolie.
    Passez de bonnes fêtes Simon. Et trouvez nous d’autres roses si joliment accrochées à la vie, même par des fils arachnéens.

    1. C’est si vrai et si bien dit, merci Gaëtan. Vous avez certainement compris que j’aime la vie et la cultive à travers les contrastes forts et notamment comme les stoïciens qui mangeaient avec un cadavre sur la table pour rappeler ce qui nous attend afin de ne perdre aucune miette de vie. Je ne vais pas jusque-là mais mon carpe diem me conduit à parler souvent de la mort, non par peur, mais pour l’avoir à l’œil, si j’ose dire. Je vous remercie et vous souhaite également de bonnes fêtes.

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