Langue de bois

Les otages du Niger sont de retour et nous nous en réjouissons tous, bien évidemment.

C’est du pain béni pour les médias qui n’avaient plus que le baromètre présidentiel au plus bas à se mettre sous la dent. Ce réchauffement bienvenu va donner une impulsion ou du moins un soubresaut salutaire au moral des gouvernants. Grand bien leur fasse, ils y en ont besoin. Hausse du mercure en vue.

Les sempiternels questionnements en pareille situation refont surface. Il fallait s’y attendre : les autorités du pays ont-elles payé une rançon ? Quelle que soit la couleur gouvernementale, on assiste à toutes les contorsions possibles pour affirmer que la France est restée ferme sur ses positions de ne jamais céder à ces injonctions malveillantes. Alors, on ratisse un peu plus large pour entendre dire que peut-être, une contribution et non une rançon aurait été versée par les employeurs des otages.

La langue de Molière est riche et se prête à toutes les colorations. Le vocabulaire abondant permet une expression très variée allant de l’affirmation la plus simple à la plus alambiquée au service d’un détournement de la réalité pour la rendre plus acceptable.

La langue de bois nous vient tout droit de Russie et de Pologne, d’abord langue de chêne pour désigner une lenteur faisant référence à la longévité de l’arbre, puis langue de bois en Pologne dans la divulgation d’une autre vérité devenue détournement.

Et que dire de la langue de latex que l’on balance comme le caméléon pour dénoncer un crime, une attaque violente, une malversation : « Je condamne avec fermeté… ». Et puis se rétracte jusqu’à la prochaine fois : « plus jamais ça ! », un plus jamais qui n’est pas de ce monde et condamne donc le pauvre impuissant à tirer sa langue au rythme des soubresauts d’ici-bas.

C’est souvent le fait de politiciens. Pourquoi ne mettent-ils pas cartes sur table, clairement, le plus simplement du monde. La vérité vraie est-elle condamnée à être différée ou simplement étouffée ? Promenée ? En disant cela, je n’affirme pas qu’une rançon a été versée, je dis que l’on entretient le flou. Existe-t-il un être capable d’être clair, simple, pas trop magicien au risque de rater une  réélection ? Non car celui-là ne serait pas politicien. Il est courant de remarquer que tout candide invité à rentrer en politique, ou même persuadé qu’il peut apporter un peu de fraîcheur, ne tient pas longtemps à sa place ou perd sa virginité pour devenir bonimenteur comme les autres. Est-ce la pratique de la politique qui est si difficile ? Sans doute. Ou l’homme faible et versatile se croyant plus fort en faisant mine de maîtriser la bonne parole ? Sans doute aussi.

Il fut un temps où j’aurais bien mis un pied en politique. Je suis passé à deux doigts d’une catastrophe, la plus grande erreur de ma vie. Et frayeur rétrospective aujourd’hui.  Sollicité dans une cité de 30 000 habitants pour des responsabilités au niveau des établissements scolaires, treize au total ; j’ai bien réfléchi puis refusé cette offre car je savais que je ne tiendrais pas plus d’un mois dans un milieu où le compromis est roi et la vérité pas toujours facile à dire. J’avais même prévenu l’édile du coin de ne jamais placer un adjoint enseignant à de telles responsabilités dans son propre camp : ce serait le plonger dans un guêpier, la dernière des choses à faire. Je l’ai échappé belle, il est tellement plus facile de regarder le fleuve couler, assis sur la rive.

 

 

Je n’aime pas la langue de bois. Je préfère une bonne tête de veau farcie de sa même langue à la sauce gribiche ou celle qui vous ravigote les papilles et vous repose le cerveau.

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