Pour vous donner le temps de tenir jusqu’à minuit.
La vision d’un dessin proposé sur Facebook par une amie m’a renvoyé un sacré paquet d’années ans en arrière.
Ce dessin proposait une scène d’agression filmée de telle manière, innocente ou à dessein peu importe, que l’agressé devenait agresseur. Une apparence qui ne laissait pas l’ombre d’un doute, une réalité flagrante aux yeux des téléspectateurs. Chacun échafaudait une logique implacable totalement possible par rapport à la scène filmée et fausse au regard du fait réel.
Une cinquantaine d’années plus tôt, nous étions une douzaine de personnes en formation « d’état d’esprit » pour mieux accomplir notre métier. Une sorte d’analyse de notre personnalité, une critique de nos approches, une mise en garde contre les apparences et les interprétations trop hâtives.
D’ailleurs qui est capable de s’arrêter un instant pour vérifier si ses dires sont interprétations ? Très peu de gens.
Le but du jeu consistait à nous placer face à une situation fortement émotionnelle. On nous prenait à témoin, sans prévenir et sans mettre en garde sur nos projections précipitées, pire encore, ces dernières étaient presque provoquées pour mettre à vif la nature humaine spontanée.
Dans notre futur métier nous avions besoin de recul, de langue bien rôdée à faire sept fois l’inspection du palais avant de prononcer un mot pour contrôler les dérapages.
On nous proposait de trouver le responsable de la mort accidentelle d’une femme.
Voici le tableau :
Cette femme rendait régulièrement visite à son amant qui vivait sur une petite île de la Seine. Pour s’y rendre, elle bénéficiait de l’aide d’un passeur à bord d’une barque. Une nuit de mauvais temps, la barque a chaviré, la dame s’est noyée. Ce cas était présenté comme étant tiré d’un fait réel pour donner plus de force dramatique au tableau.
Voici les différentes analyses résumées, formulées pour désigner le responsable qui deviendra coupable.
Le passeur, particulièrement visé, a été taxé d’amateurisme en ne prenant pas toutes les précautions pour protéger la passagère. Connaissant le danger, il aurait dû annuler ce passage. Ce côté antipathique le faisait également complice alors que rien ne montrait qu’il était au courant de l’adultère. Le fait de parler « d’une aide du passeur » faussait toute l’analyse. Un mot suffit à donner une orientation à la compréhension d’un fait. L’aide du passeur était suggérée et constituait le mot de trop, volontairement ajouté lors de la présentation du tableau.
Le mari trompé, sans doute trompeur aussi, pensaient certains, pour que son épouse le trompe, était accusé de l’avoir, par son comportement adultérin, poussée à prendre amant. En outre, il avait peut-être soudoyé le passeur pour qu’il simule l’accident.
L’amant en recevait pour son grade. Trop passif avec le beau rôle en attendant tranquillement sur son île. Il aurait pu faire l’effort de se déplacer aussi, de temps en temps. Ne prenant aucun risque apparemment, il se trouvait facilement dans le collimateur des juges improvisés.
Etait-il marié ? Personne n’avait cette info mais tous le pensaient.
Avec son statut de victime, la femme était systématiquement écartée de toute responsabilité.
C’était flagrant, énorme, à aucun moment, personne ne songea à parler de la victime totalement responsable de ce qui lui était arrivé. On ne tue pas quelqu’un déjà mort. Dans le subconscient des fins limiers, la victime restait victime, hors de toute analyse de ses responsabilités.
Je me suis fait siffler en étant seul à la mettre face à ses responsabilités. Possiblement elle aimait, prête à tout faire pour honorer ses rendez-vous. Sauf à penser que sous l’emprise de l’amour fou, par la force de la passion, on perd tout sens des réalités … Assumait-elle ? La prise de risque rendait-elle la situation plus excitante ? Rencontrer nuitamment un amant avec l’aide d’une tierce personne par temps mauvais apportait plus d’adrénaline…était-ce raisonnable à défaut de raisonné ? Des questions auxquelles on ne pouvait répondre précisément et auxquelles personne ne cherchait à répondre puisqu’elles n’étaient pas posées.
J’émettais ces hypothèses sans en faire des thèses, hué !
Chacun tenait fermement son responsable. On n’en sortait plus. Pas un centimètre n’était gagné sur la réalité des faits.
Personne ne savait rien de l’histoire réelle des mis en cause et pourtant, sans douter un seul instant, nous avions tous un avis presque circonstancié. Nous ignorions que cet exercice constituait une mise au pied du mur afin que nous analysassions notre mode d’approche d’évènements dont nous possédions peu d’élément objectifs. Ainsi va la nature humaine.
Facebook est une vitrine remplie de gens de cet acabit.
Le parlons peu, parlons bien, y est banni, on s’épanche à l’infini, chacun y va de sa persuasion, quelques fois, plus rares, de ses convictions, la mayonnaise monte, monte, puis finit en eau de jaune d’œuf.
Aujourd’hui, l’info est omniprésente et véhiculée de manière fulgurante. Elle est livrée tronquée. Le fait est présenté de manière différente selon la couleur politique de la gazette ou du site internet. Dans la précipitation, il n’est guère possible de faire preuve d’objectivité.
Ce n’est pas le propos non plus, ces médias cherchent d’abord à faire valoir une opinion avec une mouture maison de l’information. C’est le parti pris qui prime et qui importe. L’objectivité, donc l’enquête, demande du temps avec les données factuelles les plus complètes possibles et surtout la neutralité avant la prise de position à la lumière des faits. Ceci explique toute cette agitation, cette cacophonie sur les réseaux sociaux. Il est impossible de parvenir à un consensus car personne ne raisonne sur le même mode en agitant des données prédigérées et des idées préconçues.
De la sorte, l’esprit de critique prime toujours sur l’esprit critique.
On se divise, on s’étripe à partir d’apparences et d’interprétations. Dans un tel contexte, la réalité et la vérité deviennent ma réalité et ma vérité.
Un jour, j’abordais un tel sujet avec un ami farouchement opposé à mon regard distancié, il préférait les pieds dans le plat, on n’en sortait plus car nous ne raisonnions pas avec les mêmes logiques. J’ai voulu tenter diversion en balançant à propos d’un délit non assumé :
– Et puis, nul n’est censé ignorer la loi, c’est une sorte de garde-fou pour empêcher de tourner autour du pot…
Sa réponse fut immédiate :
– Quoi ! Tu n’as rien compris, tu t’arranges comme ça t’arrange… La loi dit : Nul n’est censé connaître la loi ! Comment veux-tu connaître toutes les lois ?
Il avait juste omis d’aller au bout de son raisonnement en ajoutant « Alors fait comme il te plait !».
Ceci est un adage et non une loi comme il la désignait pour mieux la contourner…
Si la vérité sort de la bouche des enfants, elle ne sort pas forcément de la bouche des innocents…
Alors, allons-y gaiement !
L’homme et la vie en société sont ainsi faits pour produire du mouvement, du brassage et toujours du mouvement, toujours du brassage. Un choc perpétuel d’idées de contre-pensées.
Nous ne sommes pas sur cette terre pour vivre en paix mais pour vivre comme ça vient. Jusqu’à présent, il en a toujours été ainsi… Chacun dans sa singularité.
Avec le développement des infos à grande vitesse et l’ouverture immodérée des commentaires, la bataille des avis s’amplifie comme se développe une moisissure sur un fruit en fermentation… Il en sortira toujours quelque chose c’est le propre de la dialectique découlant de faits, une sorte de dépassement des données en cours.
Les débats pipés m’ont échaudé, je n’y participe plus.
Quant au cri de la banane coupée en tranches, dont on imagine facilement la douleur, va lancer le débat.
Allez, c’est parti !
Geint-elle ou ne geint-elle pas ?
Faut-il lancer une manif contre les régimes bananiers, pardon bananés ?
Je fais confiance, certains ne manqueront ni de sensibilité ni d’imagination pour trouver toutes les compassions du monde…
Toutes les autres bananes encore en régime vous souhaitent une « Bonne Année 2022 »
Très riche en vitamines B et C, potassium, magnésium, cuivre, phosphore et fer, la banane améliore le raisonnement, ne vous en privez pas, elle ne se plaindra pas et adore être attaquée par les deux bouts…
Persuasion = domaine du croire. (Je suis persuadé, je crois que…)
Conviction = domaine du savoir. (Je suis convaincu, je sais que… Si l’on applique les mots à leur juste sens, évidemment, c’est de moins en moins le cas)
L’esprit critique exige clarté, précision, équité et évidences, étant donné que son but est d’éviter les impressions particulières. En ce sens, il est associé au scepticisme et à la détection de supercheries.
L’esprit de critique conteste tout sans analyse, sans examiner la situation. C’est plus un tempérament, presque une pulsion plutôt qu’une réflexion…
Intéressantes réflexions.
D’autant que la quête de la vérité, du débat apaisé, d’éléments propres à dégager un consensus pour faire avancer des groupes ensemble, hors de toute manipulation, m’ont longtemps animé. Sans beaucoup de progrès. Bien que j’en ai fait en bonne partie profession.
Je crois qu’hélas il en est avec lesquels on ne peut marcher de concert alors qu’il est possible de s’épauler avec d’autres. Reste donc surtout à s’aguérir pour les reconnaitre au plus vite avant de se fourvoyer. C’est hélas assez pessimiste.
Intéressantes réflexions.
D’autant que la quête de la vérité, du débat apaisé, d’éléments propres à dégager un consensus pour faire avancer des groupes ensemble, hors de toute manipulation, m’ont longtemps animé. Sans beaucoup de progrès. Bien que j’en ai fait en bonne partie profession.
Je crois qu’hélas il en est avec lesquels on ne peut marcher de concert alors qu’il est possible de s’épauler avec d’autres. Reste donc surtout à s’aguerrir pour les reconnaitre au plus vite avant de se fourvoyer. C’est hélas assez pessimiste.
Carrément pessimiste.
On peut tourner comme on veut ce sera toujours ainsi.
Avec ce constat, je ne suis pas troublé, bien au contraire, je suis sur la rive et promène ma vie, à quoi servirait mon mot de plus ?
Je voyage…
Le prochain ouvrage éclairera tout cela, en ce qui me concerne, bien entendu 🙂
J’aime beaucoup la photo des bananes, souvent j’ai perçu dans les fruits matière à… penser !
Je vous souhaite une belle nouvelle année dans votre belle Corse.
Une belle année, aussi, Chat 🙂
Il y a matière à presser dans les fruits et donc à penser 😉
Merci d’être passée me voir.