Femme libérée ? Non, certainement pas, plutôt femme torturée. Inconstante, surprenante, affolante, déstabilisante pour la victime ingénue.
La démarche légère dans son jean moulant, la tête tantôt haute, tantôt basse… des idées noires, rouges ou grises qui vont et viennent sans se bousculer. Elles se croisent seulement et teintent son paysage à la couleur du jour.
A vous fixer droit dans les yeux, on devine la nuance de son humeur du moment. Une lueur figée, sourire rieur, moqueur ou prédateur. Douleur dans l’heur même sans malheur, regard fouineur ou rêveur…
Noire, elle vous terrorise sans dire un mot. La prunelle sombre, la mâchoire serrée, les mains livides et squelettiques, le silence lourd de l’angoisse communicative. Elle plante son regard douloureux et déverse tout son désarroi, un déséquilibre monumental à affoler le plus zen des moines tibétains. Des moments de grand vide, elle cherche désespérément à fixer son émotion ravageuse pour éviter le gouffre. Elle a sorti son verni gothique comme pour compléter le tableau. Dès le lever, elle savait sa condition du jour.
Grise, elle est morose. Un très léger sourire qui ne sait dire ni oui ni non, qui dit rien et qui attend. Mi-figue mi-raisin, elle ne choisit pas, elle est suspendue dans le vide. Elle interroge d’un regard qui ne sait ce qu’il veut. Tout monte et redescend dans son corps dans un tremblement invisible qui lui parcourt les tripes. Elle a envie mais ne veut rien. Elle demande sans parler, son visage crispé crie pour elle. Il demande tout et n’ose rien. Il propose son masque ravagé par l’émotion puis abandonne. Ce n’est pas son jour, ce sont des montées soudaines et qui repartent, qui la commandent un instant. Elle, ne fait rien. Elle est mue et totalement sous le contrôle de ses sens. Son intellect est en panne et la rend inactive. Elle est instinctive et ses élans sont incontrôlables.
Rouge, elle devient tsunami. Plus rien ne lui résiste. Elle ne parle toujours pas ou très peu, elle prend. Elle se sert. Elle désarme, vous met à nu… vous êtes muet, surpris, désarçonné, abandonné, possédé. Elle fait ce qu’elle veut, elle ne revendique aucune parité, elle prend le dessus, elle devient la croqueuse, l’hypnotiseuse, la preneuse pas demandeuse.
Déjà, elle a tout oublié. La vague s’est apaisée. On dirait qu’elle ne se souvient de rien. C’est ainsi. Elle sait pourtant. Apaisée, elle rit ou sourit, ne réclame plus rien. Elle ne sait même pas si demain, après-demain, un autre jour, jamais plus ou encore une fois, elle recroquera. Elle recroquera, oui. Elle se nourrit de l’autre dans ses moments de possession irrépressible. Comme la tornade, elle fracasse, emporte, tortillonne, torchonne, disloque… seuls les plus solides se remettent de son passage fulgurant, sans préavis… Les autres sont ravagés, écrabouillés et, curieusement, rêvent d’un nouveau passage du cyclone.
Elle, elle file et vous ignore. Elle a jeté son jouet dans un coin, en plein milieu de tout, comme ça vient. Un jour, elle le reprendra, juste pour deux ou trois autres envies… comme elles viennent.
Elle recommencera, la croqueuse. C’est comme ça…