Détourner le temps.

L’image est séduisante.
Si, comme on détourne une rivière, on pouvait dévier le temps.

Comme on conduit le cours d’un ru à irriguer un champ, après méandres et méandres, arrêts et dérivations, prendre le temps d’explorer toutes les minutes, toutes les heures et tous les jours féconds. Balayer l’ennui sauf en contraste pour nourrir le plaisir et produire l’essentiel à remplir une vie.

Occuper l’espace en faisant circuler ses idées, promenant ses pensées hors du champ visuel pour conquérir des images inconnues, fabriquer des mirages, parcourir des territoires lointains qu’on ne connaîtra jamais.

Voyager au gré de l’humeur en première ou dernière classe, prendre l’avion, le bateau, le train, se laisser pousser des ailes, devenir un oiseau.
Dépasser sa condition, sublimer son esprit, être le fluide dans l’air, dans l’eau, le fluide sur terre. Conquérir l’espace, oublier le temps qui passe et flotter.

Se délecter de produits exotiques dans les bas-fonds de Manille, humer le poisson ou la viande boucanée dans une forêt nordique ignorée du monde.

Se robinsoniser le mardi sans attendre Vendredi, perdu au milieu de la foule, parler tout seul sans un mot pour les autres, bombarder le monde de paroles lorsqu’on se croit isolé, perdu, désemparé.

Crawler dans l’océan sans savoir nager, piloter une formule1 sans savoir conduire, planer tout en haut de la montagne au-dessus des vallées, sans savoir voler.

Deviner sans être devin, prendre et laisser sans posséder, aimer pour le plaisir sans phagocyter.

Filer dans les étoiles, fouiller l’Univers, vaincre ses feux et ses mystères.

S’asseoir sur un nuage, dominer le monde, habiter le Paradis, un Eden inventé juste pour y vivre un instant ou de longues heures, à sa guise.

On ne dompte pas le temps mais on peut toujours essayer de l’apprivoiser en l’oubliant un peu ou l’investissant totalement.

Un peu de folie, un brin de magie, une once de poésie au risque de passer pour un aliéné…

Seuls les déraisonnables, les utopistes, les rêveurs sont capables de détourner le temps.
Dans leur folie douce, à la faveur d’une rêverie, ils sont Dieu.

Détourner une image pour en faire une paréidolie,
le filigrane d’un Dieu.

4 Comments

  1. Je ne peux qu’approuver, j’ajouterai que ce sont les poètes qui sauveront le monde 🙂
    J’adore la première image, les autres aussi dans un autre genre, c’est la fantaisie du poète qui s’évade.

    1. La première c’est une prise de rue à Bastia, démultipliée.
      L’autre, un rouge-gorge que j’ai réussi à faire disparaître pour ne laisser que le filigrane d’un babouin. (en plissant les yeux, on voit mieux)
      Je peux mettre l’image originale pour avoir une idée.
      C’est étonnant de voir à quel point le rouge-gorge a disparu.

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