Rien !

Je m’épanche dans mon blog et je fais le strict contraire dans la vie.
On me voit peu.
On m’aperçoit des fois au hasard d’un passage inopiné et on s’étonne de me rencontrer comme si je revenais de nulle part, d’un exil ou du bagne.
On s’étouffe presque et on me charrie.
Des vieilles remarques éculées, entendues mille fois et ne disent plus rien.
Je ne souris même plus, elles m’agacent.
Usée celle-ci :
– Alors, on t’a lâché, t’es sorti de prison ?
J’ai bien envie de répondre le contraire, du genre :
– J’ai quitté ma liberté, je rentre en galère en entendant la première joyeuseté de la journée ! pour ne pas dire « la première connerie ».

Mon coin retiré fait face au vent. C’est lui qui m’apporte les nouvelles, c’est lui qui me fait rêver. Le brouillard, l’hiver et l’automne, au printemps parfois, tire son voile vaporeux pour rendre l’endroit plus isolé encore, et j’aime cette délicate attention.

Je ne suis jamais seul pourtant.
Je voyage beaucoup, je visite des pays inconnus, je photographie le monde en faisant le tour de la maison et du jardin. Ceux qui ne me connaissent pas s’imaginent un globetrotter infatigable, un arpenteur planétaire comme le fut Jacques Lanzmann.
Je me suis retrouvé dans la forêt canadienne au pied du mont Athabasca pour écrire un conte de Noël à mes petites filles, un conte étrange et tragique comme il n’en existe nulle part ailleurs.
Dans le désert chilien de l’Atacama, j’ai admiré le courage des mineurs piégés au fond d’une mine en attendant les secours.
Dans le nord-est suédois, j’ai visité la ville de Lulea cherchant le froid glacial et l’atmosphère humide dans le décor métallique d’un port de la mer Baltique.
Jamais, durant mes voyages lointains, je n’ai franchi les frontières de mon Aratasca qui scrute le sud.
Je viens du sud mais j’aime le froid.

En imaginant la mer, je me suis embarqué pour Cipango et ses mines lointaines, j’ai essuyé de terribles tempêtes, dérivé entre deux eaux avant d’être englouti par une baleine bleue bienveillante. Bien au chaud dans ses entrailles, invité à partager le krill * filtré par ses fanons.
Les soirs de cauchemars, j’ai parcouru l’enfer et le paradis en évitant le purgatoire. J’ai visité à la sauvette et je suis vite revenu sur terre.
Roland de Roncevaux, en embuscade derrière un rocher, figé avec sa Durandal au clair, me faisait signe de circuler :
– Y a rien à voir ! me criait-il, presque menaçant.
Alors j’ai filé, revenant dare-dare ici-bas.
J’ai le rêve facile.
J’ai cette faculté de courir l’univers, les galaxies et les planètes inconnues que je m’invente en regardant une coccinelle ou une aubergine.

Elles sont vivantes mes planètes. Souvenez-vous, j’y ai rencontré des aliens spécialistes des tomates à l’abri des maladies de nos potagers. Lors d’une visite aurorale au fond de mon jardin, leur chef jardinier galactique m’avait offert des graines magiques qui se sont envolées dès que j’ouvris ma main. Il m’avait fermé le poing pour que je les garde précieusement, je ne savais pas que c’était un secret.
Un secret ne se montre pas ou s’évapore illico… C’est ce qui m’est arrivé.

J’ai cavalé dans ma tête, j’ai avalé le temps, beaucoup de temps car enfant souffreteux, je n’imaginais pas durer si longtemps.
J’ai couru les torrents, les monts et les vaux. Aujourd’hui, je rêve, je revisite mes joies et mes peines, je salue le plaisir de vivre encore.
J’ai plein de sourires à distribuer au gré de mes rencontres.
Je feins de croire que la vie est infinie, mais je sais.
Je la consomme dans toutes ses sensations, en demeurant neuf d’esprit car je veux partir vivant…

De l’au-delà rien ne transpire.
Cela ne me dérange pas, j’ai l’œil coquin et le plaisir toujours en alerte.
J’y vois ce que je veux, ce qui m’amuse encore, des barbichettes et des oreilles à tirer…
A part ça…

Rien, je ne vois rien d’autre à l’horizon…

*Krill=nourriture principale des baleines à fanons, composée de petites crevettes. (Jusqu’à 4 tonnes par jour)

Une coccinelle sur un plant de persil fait son guignol.
La tomate galactique offerte par un alien dans un flou saturnien.

10 Comments

  1. « Un rien » bien plein de tout ce qui fait le suc de la vie en fait 🙂
    J’adore la première photo des tourterelles.

    1. Probablement un vieux reportage.
      Je suis à l’écart et donc très peu au fait de ce qui se passe au village.
      En ce moment, c’est un grand chantier ( rénovation des réseaux, eaux usées et eau potable) qui va durer entre 3 et 5 ans.

      1. ah les travaux !!!
        Le reportage était une rediffusion sur « votre belle » Corse (sur TV5 monde) = des souvenirs où j’étais allée, + des sites à me donner envie d’y retourner… en courant 😀

      2. Voyez Chat…, je reviens du jardin, vous ne pouvez imaginer comme je suis content.
        J’ai vu des belles choses. Du raisin envahi par la clématite des haies, qui s’est battu pour trouver le soleil, il est chargé de raisin.
        Si vous passez au village ne courez pas trop, il y a des chausse-trappes partout. 😉

  2. Rien ! ou Tout ! !!
    L’âme du conteur n’est pas pour l’ordinaire. Vie parfaite qui sème sur notre planète de tels puissances imaginaires, connectées au Tout visible qu’aux coeurs enchantés. Ils sèment et nous récoltons sourires, rêveries, nourritures de l’âme et de l’esprit. Un monde humain sans génie artistique …. je n’ose imaginer, je n’aime pas le pire.

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