« Quand on voit votre grand-mère, on se dit que la doyenne de l’humanité a du souci à se faire. »
Ce trait d’humour a été prononcé par un jeune cardiologue qui recevait une mamie de 82 ans dans un service hospitalier d’urgence. La doyenne de l’humanité n’aura plus à se faire de souci, la patiente est décédée dans la nuit.
Le jeune médecin n’est plus en humeur de plaisanter : la famille rassurée puis surprise du décès inattendu a porté plainte pour faux espoirs, sans doute.
Nous savons tous que sortir d’un bilan cardiaque satisfaisant ne nous épargne pas d’un infarctus à la sortie du cabinet médical. Le médecin doit-il rester circonspect, sérieux, froid, fermé, prudent en toute circonstance ? Le patient et ses proches sont-ils capables ou en mesure d’accepter la dédramatisation ? Si l’on en fait une affaire statistique les réponses peuvent être « non » à la première question et « oui » à la deuxième.
Il parait que le jeune praticien n’est pas près de lâcher une prochaine boutade. Dommage car cela ne change rien à l’affaire, même si ceux qui sont au cœur d’un drame ne pensent pas pareil… L’idéal pour un médecin traitant qui débute serait d’attendre de mieux connaître ses patients avant de concurrencer Desproges ou Coluche. Quant au praticien des urgences hospitalières, il n’a pas trop le choix et dans le doute, mieux vaut qu’il s’abstienne.
Il m’est arrivé de consulter parce que j’avais, à la marche, « des fourmis dans les jambes ». Mon jeune médecin de l’époque m’avait lâché « Je vais vous prescrire du fly-tox » (Pompe insecticide manuelle pour tuer les fourmis et les moustiques du temps de nos grands-mères). Cela ne m’avait pas fait rire car j’étais assez gêné et pas d’humeur à badiner ce jour-là, je lui ai rétorqué : « vous devriez savoir avec qui et quand vous pouvez plaisanter… » Il a instantanément changé d’attitude pour retrouver son sérieux. Cela n’a pas empêché que nous devenions plus « proches » par la suite, puisque élu maire d’une grande ville, il avait souhaité m’avoir à ses côtés comme adjoint aux affaires scolaires. J’ai refusé car on ne met pas un enseignant aux affaires scolaires. D’abord surpris puis intrigué, il a suivi mon conseil. Il était plus à l’aise par la suite et je lui faisais confiance sans manquer de lui faire quelques suggestions diagnostiques car je lisais ses quotidiens, hebdomadaires et mensuels médicaux qu’il n’avait plus trop le temps suivre à la lettre… L’agacement changeait de camp.
L’autre docteur auteur de l’article « Pourquoi les médecins sont pessimistes ? » dont j’ai extrait la boutade initiale et qui m’a inspiré le thème d’aujourd’hui, ne fait que lever un lièvre qui court depuis longtemps. On peut penser sans trop se tromper que cette attitude qui vise à rassurer, est née en même temps que la médecine ou l’a suivie de près.
Dans son blog, il avance : « Leçon à retenir : toujours être pessimiste ». Il fait, ainsi, un pari pascalien appliqué à la médecine. Vous avez tout à gagner avec ce pessimisme affiché. Si le patient décède, vous l’auriez prévu et s’il s’en tire, vous devenez un héros. Commode, en effet, le pari de Pascal appliqué à toute chose.
La question pouvait être également celle-ci : les médecins peuvent-ils s’offrir l’amorce d’un sketch à l’issue d’une consultation ? A eux de voir, et s’ils s’estiment suffisamment psychologues pour détecter l’opportunité sans risque, pourquoi pas. Et puis après tout, pour savants que soient les toubibs, ils sont ce que nous sommes…
Je terminerais volontiers par une anecdote, presque une boutade inversée qui n’a rien à voir avec la médecine. C’est un souvenir de ma classe de 6e et d’un devoir d’histoire sur l’Egypte ancienne. Un camarade fâché avec l’école et ses diverses matières avait pondu ceci pour expliquer les offrandes : « Lorsque le mort est mort, on lui ouvre le ventre et on lui met des friandises dedans pour qu’il les mange »… C’est ainsi que les pharaons ne mouraient pas de faim pour parvenir, momifiés, jusqu’à nous. Cela a bien fait rire toute la classe mais pas le professeur… ou alors, c’est en privé qu’il a pouffé ! C’est de la sorte que l’on prend moins de risques. On ne pourra pas l’accuser de s’être moqué d’un élève.
A bon entendeur salut !
Digression du jour : En cherchant à savoir comment je pouvais exploiter l’image de la momie, une nouvelle anecdote m’est revenue à l’esprit. Puisque j’ai la photo toute prête autant en profiter.
Elle date de notre enfance. Un père qui récoltait des pommes de terre avait demandé à sa fille de maintenir le sac ouvert pour faciliter la manœuvre. Distraite, la fillette n’était pas très à son affaire et le sac se refermait. Agacé le père lui cria « : « Alexandrine, ouvre la bouche ! ». La gamine s’exécute et reçois instantanément une taloche : « La bouche du sac imbécile ! »
Bon, ben, pourquoi pas ?