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Tel un anachorète retiré de son cloître du jardin, le capuchon de moine s’élève au-dessus des rochers, contemple le monde extérieur et nourrit ses ascétiques pensées…
Bien malin qui pourrait donner un sens à la vie.
Cela fait belle lurette que je ne me pose plus cette question.
Non pas que je trouve la vie insensée mais parce que je n’en sais rien et je n’en trouverai guère durant le restant de ma vie.
Certainement pas en cherchant.
Je ne nie rien, un sens peut s’imposer à mon esprit sans me demander mon avis, comme une croyance soudaine. Cela ne me dérange pas le moins du monde. Je me suis fait une raison devant cette impuissance à comprendre.
Me poser un leurre ne m’intéresse pas. J’aime bien savoir. Le croire ne fait pas partie de mes préoccupations du moment.
Je conçois parfaitement le besoin de se construire un sens pour vivre sereinement mais je ne comprends plus lorsqu’on cherche à l’imposer ou l’expliquer à d’autres.
Il n’y a rien à expliquer, il y a à vivre.
Rien n’est moins sûr que ce que l’on croit, cela apaise, rassure et semble donner l’éclairage que l’on souhaite. C’est parfait si tel est notre besoin. Rien à redire, tout à respecter.
Ce qui est inacceptable, c’est le débordement sur la vie des autres. Le prosélytisme insupportable de ceux qui cherchent à rabattre le plus de fidèles vers le divin. Un divin aléatoire a priori et qui n’aurait besoin d’aucun secours des hommes, s’il existait.
Un tout puissant se débrouille tout seul comme un grand. Le paradoxe consiste à vouloir sauver un monde qui ne demande rien.
Je vis très bien ainsi sans aucune angoisse sur ce que cache l’après vie.
Naître, vivre et mourir un jour est la seule certitude que je connaisse.
Le plus important reste la conviction d’avoir traversé la vie avec bien du plaisir et se dire quel dommage, c’était bien, j’aurais aimé rester un peu plus. Mais le temps veille et nous rappelle que le « peu plus » sera vite avalé aussi. Mon assertion est tout aussi absurde. Il n’y a que le temps qui reste indomptable et indifférent à tout, l’espace demeure accessible… le temps d’un temps aussi.
Pour toutes ces raisons, j’ai l’impression d’avoir traîné dans ma vie. Je n’ai rien amassé sinon quelques vieux outils en espérant qu’ils me serviront un jour et qui ne servent qu’à encombrer inutilement les coins. En revanche, j’ai planté plein d’arbres pour ceux qui vont suivre, cela me fait plaisir de savoir qu’un jour, ils auront l’envie de poursuivre la même voie.
On donne à d’autres l’occasion d’exister, en procréant, tout en gardant l’espoir de survivre à travers eux. On croit donner un sens à sa vie. C’est une problématique qui se perpétue face à l’ignorance de ce qui se passe au sortir de la vie. Le sentiment de laisser une trace.
J’ai beaucoup donné, je ne sais pas vendre, cela ne me convient pas, cela me gêne de monnayer. C’est mon sens du vivre en rendant ce passage le plus agréable possible à tous ceux qui croisent mon chemin. C’est tout ce que je peux faire. Le reste m’échappe inlassablement même si je tente d’imaginer et de croire… c’est toujours l’idée de leurre qui me revient à l’esprit comme un boomerang. Qu’y puis-je ?
Me forcer ? Il m’est impossible de penser positivement une chose qui me semble artifice ou illusion.
Je voyage sans papiers par habitude, je me sens libre sans intention de faire le mal comme un candide chargé de naïveté. Un pléonasme qui rend compte de la puissance de cette impuissance. Je n’ai pas de bouclier, pas de protections, je ne me sens pas en danger vis-à-vis d’un au-delà.
Le danger vient d’ici-bas.
La bêtise, l’ignorance, l’orgueil, l’incompréhension, l’empiètement, la jalousie, la haine, la brutalité, la férocité, le pouvoir puis en face l’amour, l’humour, la sollicitude, la gentillesse, l’écoute, la bienveillance, la tranquillité, l’humeur pacifique et puis au milieu de cela, l’indifférence, l’oubli, le cuir, la carapace, l’isolement, la fuite, l’évitement, la diversion, la fourberie… et au bout de cette litanie, les contrastes de la vie, reste à savoir où on met les pieds
Certains rêvent d’une union mondiale alors que la brouille sévit dans nos quartiers jusque dans les cimetières où l’on se dispute pour une fosse ou une tombe de travers. Dans les foyers jusque dans les lits. Dans les esprits jusque dans le surmoi. Dans les petites têtes sans le doute pour des embrouilles futiles et des certitudes qui n’en sont pas.
Le croire vient au secours du « Je ne sais rien » pour dissoudre l’angoisse du « non-sens ». Il comble un vide comme un postulat invérifiable et déroule sa mathématique de vie. C’est très bien ainsi puisque cela convient et aide à vivre. Cela ne me pose aucun problème, chacun a le ressenti qu’il recherche.
Pas un millimètre n’a été gagné sur l’idée divine depuis que l’homme existe. Le temps file sans se soucier de l’ontogénèse… au niveau de l’individu, il est tout aussi indifférent. Tant pis pour celui qui ne le chevauche au passage, profitant de ses instants, ses moments de conscience. Ridiculement court, fuyant, incertain, imprévisible… c’est ainsi que j’ai formulé mon credo, maintes fois rappelé :
Celui qui a intégré la notion de temps, ne se préoccupe plus du sens de la vie et se passe de l’idée de Dieu.
Je n’ai pas envie de me débattre, empêtré dans un mystère dont je ne possède aucun élément pour le comprendre. Le poser comme acquis pour calmer le feu de l’ignorance ne me convient pas, je préfère reconnaître mon impuissance et passer à autre chose. Si Dieu existe, c’est bien son problème, qu’il le résolve. Je ne l’imagine pas revanchard.
Le sens de la vie ! Quel sens ?
Avec ma débraille, j’ai pris vingt ans d’un coup. On me le fait savoir alors que je fermais les yeux. A mon âge, c’est beaucoup. Ça fait patriarche soudainement, sans espoir de retour en jouvence, mais mon esprit encore vif se joue des apparences. Cela me va très bien, combien de temps encore ? Que sais-je ? En déjouant ce grand décalage entre l’esprit et le physique, j’engloutis et me remplis de plaisir… en attendant la suite.
Un patriarche ? On me dit sage…
Je n’ai aucune sagesse à partager, comme un quidam perdu dans le temps, j’ai trainé mes os jusqu’au soleil avant de les poser dans un coin bien ombragé…
J’ignore encore quand viendra le moment.
Le petit plus :
Voici l’image oubliée dans le texte précédent « Ciels ».
Voici ce qu’écrivait une lectrice dans une première version :
Laetitia
« Le croire vient au secours du « je ne sais rien » pour dissoudre l’angoisse du « non-sens ».
C’est sublime. Je suis tombée par hasard sur votre texte sur le temps, vos mots sont parfaits, vos textes me parlent beaucoup. Ça réchauffe le cœur et puis ça fait du bien d’avoir comme une sorte de miroir de ses pensées exprimées par les mots d’un autre. C’est drôle comme sentiment. Continuez, écrivez, Merci.
Les hommes ont inventé les religions pour faire groupe, ce qui a permis de se défendre et de commencer à envisager la sédentarisation, puis l’agriculture et l’élevage. C’est ce qu’explique Harari dans « Sapiens ».
Sinon question barbarie l’homme est le seul animal à en user.
J’espère que vous l’aimez et donc prendrez bien ce qui venant de moi est un compliment: vous me faites penser à Brassens.
J’ai fait de « Pauvre Martin » un hymne à mon père et de « Supplique pour être enterré sur la plage de Sète » un moment savoureux, long comme la fuite du temps, qui me ravit…
Donc aucun problème si le compliment n’est pas démesuré 😉
Non je suis sûre que vous auriez fait une sacrée paire de copains (et de farceurs) 😉
Très joli texte invitant à la réflexion Simonu.
En effet autant profiter…
J’aime bcp ce passage :
« Le plus important reste la conviction d’avoir traversé la vie avec bien du plaisir et se dire quel dommage, c’était bien, j’aurais aimé rester un peu plus. Mais le temps veille et nous rappelle que le « peu plus » sera vite avalé aussi. Mon assertion est tout aussi absurde. Il n’y a que le temps qui reste indomptable et indifférent à tout, l’espace demeure accessible… le temps d’un temps aussi. »
On aurait pu rajouter ces 2 vers de Paul Fort :
« Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite, cours-y vite.
Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite. Il va filer. »
Je fais toujours la nuance entre ceux qui disent « Je peux m’en aller, je ne regrette rien de mon vécu » et ceux qui précisent « Je ne regrette rien mais quel dommage, j’aurais bien voulu rester encore un peu. »
Dans le premier cas, il était temps de partir, dans le deuxième, la prolongation était souhaitée, il y avait encore à vivre.
Quant à Paul Fort, je fais plus long pour voler un peu de temps.
Merci Romain 🙂