Dix ans déjà.
Mars allait tirer sa révérence.
C’était une semaine avant son décès.
J’étais seul à la maison, René passa devant ma fenêtre. Il venait chercher une échelle pour un travail d’élagage…
– Je te la rapporterai en fin d’après-midi, me dit-il.
Le soir, à l’heure dite, il était là avec l’échelle sur l’épaule.
Vous connaissez le rituel, c’était heure d’apéro, nous nous sommes attardés devant plusieurs petits jaunes.
Ce genre de breuvage a le pouvoir de débrider les discussions, nous plaisantions beaucoup.
Je lui ai demandé s’il porterait mon cercueil le jour venu, il était toujours de ceux-là, je veux dire des porteurs.
Sa réponse, toute indiquée, fut celle du bon sens commun, inutile de vous l’écrire, vous avez compris.
Je venais de perdre mon médecin ami, trois mois plus tôt, je lui demandai s’il avait un toubib, sa réponse me surprit :
– Je ne vais jamais chez le médecin, lança-t-il dans un sourire.
Une semaine plus tard, il décédait brutalement.
Je ne le connaissais pas en retournant au village natal.
Nous sympathisâmes à l’occasion d’un débroussaillement…
Souvent à la Zinella, il avait sa place autour de la table.
Une confiance réciproque et tranquille s’était installée entre nous.
Combien de fois sous la Zinella,
Avons-nous franchi le cap de minuit ?
Dans cet endroit secret,
Se disaient nos vies, nos regrets,
Avec Ferdinand, Louis
Et Simon le petit.
Le temps n’avait plus d’heure
Tant que carburant chauffait nos cœurs.
Ce n’est qu’au p’tit matin
Qu’on cessait d’être devin.
Sur le côté de la Tasciana
Brillaient Oronu et Carbini.
Semblant au pied de Cagna,
Tirolu en catimini,
Regardait par ici,
Scintillant pour nous, aussi.
René évoquait labours à venir
Au flanc de ces montagnes,
Avec son copain de cocagne,
Jardins allait entretenir.
Défricheur de maquis,
Dans sa tenue kaki,
Enervait débroussailleuse,
Vrombissait tronçonneuse.
Dans la douceur de la nuit
Sous le chant des cricris
Et l’humeur vagabonde
D’une lune féconde
Il nous fallait quelques secondes
Pour parfaire le vieux monde.
Combien de fois sous la Zinella,
Avons-nous passé l’après minuit ?
Il était quand même assez Fallet, ce René. Pas de médecins, mais deux seins lui allaient. Et puis, si sur les bords de Loire on aime le vin rosé, cela n’empêche en rien, plus au sud c’est certain, de s’envoyer quelques verres de soleil dans le gosier, en compagnie des élagueurs de mots.
Elagueurs de mots , peut-être, mais pas des maux diseurs ! 😉
Le poème et toute la page d’ailleurs, a un p’tit côté « Les copains d’abord » bien sympathique 🙂
C’était notre vie en ce temps là. 🙂
Il est parti trop vite pour s’en apercevoir ! un départ heureux comme on en voudrait tous il est parti en bon vivant !
Oui Gibu, mais on aurait aimé le voir encore !
C’est dans l’absence que l’on comprend ce qui nous manque.
suis bien placée pour le savoir hélas !