Confiance.

J’étais très mal.
Je n’avais plus aucune autonomie, même pour me coucher, j’étais obligé de me laisser tomber sur le lit et chercher la position idéale pour dormir.
Tout était pénible.

J’entrevoyais une fin de vie difficile.
Lors d’une visite de routine chez un cardiologue, ce dernier me voyant me mouvoir en claudiquant, m’interrogea :
– Qu’est-ce qu’il vous arrive ?
– J’ai une coxarthrose.
– Vous envisagez une opération ?
– Non, je m’en fiche, je vais terminer ainsi.
– Terminer ainsi ? Vous allez finir dans un fauteuil roulant !

C’est à ce moment et sous la pression familiale que j’ai décidé de consulter un chirurgien.

Celui qu’on m’avait conseillé était présenté comme un homme peu disert, assez cassant et peu enclin à la sympathie mais d’une compétence irréprochable.

Après tout, je pouvais voir et décider en mon âme et conscience.
J’étais libre de mon choix.

Je m’étais rendu chez lui avec tous ces préjugés.
Il est resté assez froid avec, de temps en temps, des failles dans sa raideur supposée.
J’ai vu ses regards, entendu sa franchise.
Je l’ai questionné, tout me semblait dans le droit fil d’une démarche scientifique, médicale et humaine.

A sa question « Qu’est-ce qu’on fait ? » je n’ai pas hésité une seconde, je lui ai demandé de choisir une date, la plus proche possible.

Nous prîmes rendez-vous en fonction de ses disponibilités, j’étais conquis, rassuré, j’avais totalement confiance en lui.

J’étais amplement informé des risques, j’ai même visionné une vidéo de l’intervention, pas franchement rassurante. Ce n’était pas une mince affaire bien qu’opération largement pratiquée.

On venait de me transporter dans la salle d’opération. Un petit resserré, un endroit minuscule qui m’étonna fortement. Ce n’était pas l’idée que je me faisais de ces espaces opératoires.
Assis à mon flanc, un homme masqué, l’anesthésiste, me parlait d’une voix douce, je devinais son sourire à ses yeux complices. A côté de la porte, une dame assise parterre, prenait des notes, j’avais l’impression qu’elle finissait des mots croisés ou un sudoku.
Devant un mur qui éclairait des radios, un homme debout, également masqué, présentait des gabarits de prothèses sur des clichés à dimensions réelles.
Il saisit la bonne prothèse dans une valise et son cotyle adéquat, s’approcha de moi et dans un dernier mot en baissant son masque afin que je le reconnaisse, avec un sourire rassurant, me dit :
– C’est moi, on y va ?
– Oui, on y va, un pour tous et tous pour un !
Je nous imaginais mousquetaires lorsque l’anesthésiste actionna sa seringue déjà branchée sur ma veine… Mon ciel se troubla, je m’envolais dans les nuages, je m’assis sur un léger cirrus au risque de basculer dans le vide… Je venais d’atteindre le paradis qui habite les rêves…

Aujourd’hui, je suis heureux. De vieillard je suis redevenu ingambe*, je bêche, je trotte, je galope, pour mon plus grand bonheur et celui de mes proches…

Très vite, en quelques minutes d’entretien, j’avais livré ma totale confiance à M. Biancarelli.

(C’est déjà une vieille affaire qui date de cinq ans, c’est vous dire si cela fut une bonne initiative !)

*Ingambe = un mot à méprise, il signifie se déplacer avec agilité 🙂

Le petit plus qui n’a rien à à voir :

Le comble pour un fervent croyant, c’est de découvrir, après sa mort, que dieu existe et qu’il n’y ait point de paradis.


7 Comments

  1. La confiance, ça ne s’explique pas, comme vous je préfère un médecin habile à celui qui multiplie les sourires. C’est le cas de mon dentiste qui ne desserre pas les dents (un comble) et une tire une tronche pas possible, il n’empêche qu’il est le meilleur que j’aie rencontré.
    Facétieux, oui, notre Simonu (courageux aussi) et si vraiment dieu existe et pas le paradis, franchement c’est pas pour critiquer mais c’est petit bras de sa part. Petit, petit, petit!

    1. Peut-être proposera-t-il autre chose ?
      Un Disrapa, par exemple, ce serait pas mal, non ?
      Quoique, un Padisra serait l’idéal !
      Que tout cela sonne mal, cela ne m’engage guère, voilà l’effet des habitudes…

  2. Mince alors, j’ai bien fait de passer ! j’aurais utilisé ingambe à mauvais escient !
    Certaines décisions sont difficiles à prendre, surtout en ce qui concerne le médical….. le manque de confiance est dans la nature humaine.
    Bonne fin de dimanche Simonu
    Gibu

    1. Je sais que ce terme est galvaudé comme « morbide » confondu avec « mortifère ».
      Plus 90 % des personnes qui l’utilisent (morbide) font cette confusion, de la sorte, la définition va finir par basculer.
      Bonne suite Gibu, ici le vent ne rigole pas depuis ce matin, il me pousse dès que je sors. Je n’ai pas l’intention de perdre mon « ingambité » 😉 alors je reste chez moi.

      1. la langue française, il est vrai, est tellement riche en mots et en nuances ! c’est ce qui fait sa complexité et sa beauté ! A l’abri ici aussi. La véranda me permet d’être dedans/dehors 🙂 Bonne soirée – Gibu

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