Se souvenir de Pilili.

Vous avez sans doute croisé, en suivant mon blog, le « tournant de Pilili » que je cite parfois dans mes évocations de Lévie. C’est dans ce virage que se situait le petit magasin.

Lorsque j’étais enfant, j’ai habité dans trois quartiers différents et vécu trois vies différentes.

A la Navaggia, tout au fond du village, ce fut la période la plus autarcique.
Le quartier était peuplé, toutes les maisons occupées. J’allais rarement au village comme on disait en parlant de la rue principale.
Je ne montais à la Sorba que pour faire quelques courses lorsque nous ne trouvions pas notre bonheur Chez Pilili, épicerie du quartier. 


Pilili était une vieille dame. J’ignorais son âge, il m’a semblé l’avoir toujours connue plutôt âgée. Elle gérait son petit magasin avec sa nièce Mimi qui avait une légère infirmité. Nous pouvions arriver à toute heure y compris à midi comme le soir vers vingt heures, même pendant le repas, nous étions toujours bien reçus sans la moindre manifestation de mauvaise humeur. La cuisine où il m’arrivait d’entrer au moment du déjeuner ou du diner me paraissait minimaliste. Elle jouxtait le commerce légèrement en contrebas, accessible en franchissant trois ou quatre marches, je ne sais plus très bien. 
Les dames vivaient en vase clos se déplaçant d’une pièce à l’autre comme des cosmonautes condamnés à vivre dans des capsules arrimées, perdues dans l’espace environnant. Elles trottaient menu sans jamais faillir à leur modeste allure de croisière.  

Nous étions toujours servis avec le sourire. C’est seulement aujourd’hui que l’on réalise la chance que nous avions, de vivre en si bonne intelligence.
A l’époque cela semblait naturel, qui faisait petit commerce ne connaissait pas le dérangement, se sentant investi d’une mission de survie à tout instant.
C’était un mode de vie quasiment généralisé, dans le quartier Navaggia et sans doute ailleurs, chacun dans son registre se rendait disponible par une sorte de pacte tacite de solidarité.
Tout allait de soi et ce petit centre de ravitaillement servait d’appui logistique pour la nourriture de base nécessaire à la vie de notre coin de village.

Le magasin de Pilili, une pièce maîtresse et nécessaire dans notre quartier reculé, une petite caverne d’Ali Baba, du sel au détail au cassoulet appertisé en passant par la ficelle de cuisine, limonade et lait en bouteilles consignées…

Notre chère Pilili, personne discrète, utile, sans chercher à faire fortune, vivait paisiblement en nous aidant à vivre aussi.


Magasin marqué d’un point rouge sur l’image en titre.

5 Comments

  1. Un autre temps, chacun était utile et tout le monde bien obligé de vivre en bonne entente car la vie était difficile pour tout le monde.
    J’aime beaucoup la dernière photo qui illustre votre propos: ces maisons éclairées de rose dans le cadre assez rude de la nature environnante.

    1. Ce texte a été écrit rapidement pour les gens du village qui évoquent les magasins de Lévie de naguère, sur Facebook.
      Celui-ci était oublié.
      Il existe dans le blog un texte plus conséquent intitulé « Magasins de mon enfance », quasiment exhaustif, qui va figurer dans un ouvrage sur la vie dans les villages corses au milieu du siècle dernier. A priori.

  2. Il serait bien agréable d’être informé de la parution de l’ouvrage « sur la vie dans les villages corses;.. »
    Bon dimanche.

    1. Je vous informerai dès que j’en saurai plus sur l’aboutissement du projet.
      Pour l’instant, à cause de la Covid j’ignore tout du parcours, une rencontre avec l’édition est prévue entre mars et avril.
      J’ai été contacté pour la participation à l’évocation de mon village.
      Bon dimanche 🙂

      1. Merci, en espérant que la situation aille en s’améliorant et que votre projet aboutisse au mieux.
        D’ici là, prenez soin de vous.

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