« U paridacciu » est intraduisible en français.
Il n’existe probablement pas de version continentale.
On ne peut, en quelques mots de traduction, en exprimer toute la substantifique moelle. On s’éloignerait du sens originel en vidant le concept de ses connotations ancestrales et le désignant comme un vague tohubohu ou charivari.
U paridacciu est à la sérénade ce que le bizutage est au cocktail de bienvenue.
La célébration nocturne d’une union tardive, une extravagance qui se termine en bacchanales.
La sérénade était réservée aux jeunes mariés, u paridacciu célébrait, toujours après minuit, l’union de veufs et veuves, des secondes noces ou des mariages tardifs.
Le principe de surprise au beau milieu de la nuit reste le même pour les deux célébrations, sérénade ou paridacciu, avec des orchestrations radicalement différentes.
Les ustensiles de cuisine en tous genres, sonnailles et tintamarre, remplaçaient guitares et chants mélodieux.
D’un côté la douceur et la mélodie, de l’autre la brutalité et la cacophonie.
Les tambourineurs de service arrivaient en silence et en nombre pour prendre place sous la fenêtre des nouveaux époux. Une organisation établie de longue date, dans le plus grand secret afin que les acteurs de la nuit endiablée soient au rendez-vous avec casseroles, timbales, poêles ou tout ustensile métallique susceptible de faire grand bruit…
Les batteries de cuisine tenaient la vedette. Les tôles ondulées repérées dans les parages immédiats, que l’on pouvait battre à plusieurs, avaient la préférence des plus tapageurs, elles résonnaient jusqu’à l’autre bout du village.
Lulu le muletier se chargeait de la partition la plus harmonieuse, largement harnaché de cloches et clochettes ordinairement portées par ses mulets.
L’homme-orchestre bardé de sonnailles, en véritable sachem, donnait le coup d’envoi à la fête païenne en s’agitant comme un indien autour d’un totem.
A son signal, l’orchestre a-philarmonique, attentif et silencieux jusque-là, libérait toute son énergie pour célébrer le plus grand des vacarmes.
Très vite réveillés par le barouf infernal, les vieux mariés émergeaient de leur sommeil. L’ensemble orchestral, intentionnellement et largement désaccordé, s’en donnait à cœur joie jusqu’à ce que les amoureux tardifs, lassés de tant de brouhaha, se décident à ouvrir leur porte pour accueillir le carnaval.
Toutes les nuances du tapage nocturne y passaient et les participants y mettaient pleine énergie en attendant que les nouveaux époux les invitent à entrer dans leur demeure pour leur offrir à boire et à manger. Au plus fort du battage c’était à qui pouvait apporter sa touche dissonante pour que la fanfare débridée claironne cacophonie, bastringue, tintouin, boulevari ou esclandre.
Après le paroxysme musical et maintes libations, honneurs à Bacchus, la fête se terminait toujours en aubade mouvementée.
Le voisinage avait tout intérêt, lorsqu’il était prévenu, à rentrer bassines, bidons… bref, tout instrument à percussion potentiel. Dans le cas contraire, il ne pouvait que constater les dégâts produits par une nuit païenne, presque satanique. Dans ces moments de frénésie, les bâtons qui font office de baguettes à tambour frappent sans distinction sur tout ce qui peut produire tumulte, avec une préférence pour le métallique.
De nos jours, les unions tardives ne surprennent plus personne. Dans quelques années u paridacciu, le vocable comme la cérémonie, tombera définitivement dans l’oubli ou restera une vague évocation quelque part dans un livre ancien.
Ces temps sont révolus et les ustensiles de cuisine ne résisteraient plus à un tel passage à tabac. Ces coutumes encore pratiquées au milieu du siècle dernier s’évanouissent progressivement, ne surviennent plus que de manière sporadique pour maintenir vaguement la tradition désormais à bout de souffle.
U paridacciu ne sera plus qu’un lointain souvenir.
Il s’est éteint naturellement sans qu’une quelconque association bien intentionnée ne vienne lui porter le coup de grâce…
Le dernier en date au village a eu lieu en 2009. Sans doute un réveil isolé annonciateur d’une disparition définitive.
Selon Jackie à qui la cérémonie était adressée, il y avait une centaine de personnes et la fête s’acheva vers 6 heures du matin. Probablement un dernier baroud d’honneur…
Dommage pour la tradition, encore une qui se perd.
Mais alors comment dire… Ouf tant mieux j’ai horreur du bruit, même la musique la plus douce en pleine nuit me fait sortir de mes gonds 😉
En vous trouvant côté orchestre peut-être que vous auriez apprécié la musique 😉
Ha pitié non, même pas 😉
🙂