Au moment où j’écris ces lignes, l’avion de Florence Cassez n’a pas encore atterri. Les journalistes se chargeront de faire circuler l’information. Ce qui m’importe c’est l’évocation de ma grande tante, l’info du jour me sert juste de rampe de lancement.
Aujourd’hui, Florence Cassez était de retour sur le sol français après sept années passées derrière les barreaux mexicains.
Je ne reviendrai pas sur le fond du problème, la presse s’est largement épanchée sur l’affaire, et a encore de beaux jours pour continuer à le faire. Chacun admettra que ce dénouement tant attendu, après la mise en scène grotesque de la police mexicaine, est un soulagement pour la famille et j’ajoute, pour les politiciens de tout bord comme pour le peuple de France qui s’était largement identifié à l’affaire. En ce qui concerne le fond réel, je n’en sais strictement rien.
Il n’était donc pas surprenant de voir le monde politique et médiatique en ébullition totale depuis le Mexique jusqu’au tarmac de Roissy. Chacun réclame sa part dans l’aboutissement et fait savoir combien il est heureux. Bien sûr, on y met les formes, la joie comme la familiarité. Le président François Hollande parle de Florence avec tendresse et non de Florence Cassez, Nicolas Sarkozy dont la présence à la descente d’avion était souhaitée par la principale intéressée, préfère reporter la rencontre à très très bientôt en privé. Chacun joue son registre et tous les satellites en iront de leur suggestion aussi.
Cet épisode va probablement se terminer par un livre, peut-être un film, et la personne concernée a tout à fait le physique d’actrice pour jouer son propre rôle. Je crois même que ce serait le meilleur choix. Elle possède un charme fou, ce ne serait donc pas étonnant. On verra bien.
En regardant les images à la télé, un souvenir qui remonte au début des années soixante-dix a refait surface. Vous me connaissez, maintenant, je suis coutumier du fait.
A cette époque, mon père me parlait souvent de son cousin germain Jacques « monté » à Paris pour réussir ce qu’il n’avait pu réaliser dans son village. Journaliste puis rédacteur en chef, Il était parti à la conquête de la capitale dont il allait devenir député et même président du Conseil de Paris, c’est-à-dire qu’il faisait fonction de maire. Mon père en était très fier… il saluait chacune de ses élections par une salve de mousqueton italien depuis la fenêtre de sa chambre. Une tradition chez nous, surtout à l’époque. C’était comme ça que j’apprenais la nouvelle. Au cours de l’année de l’élection, Jacques ne manquait pas de faire un tour dans son village natal, accueilli chez nous de manière tonitruante, fusils, pistolets et même les bouchons de mousseux rivalisaient de leur effet. Les tables étaient garnies de beignets au bruccio, de frappes (pâte frite ou oreillettes)… tout le quartier s’y mettait.
Une année, de passage chez nous, Jacques avait dit à mon père : « Retiens ce nom, Valéry Giscard d’Estaing, un jour il sera quelqu’un ». Papa me le rappelait souvent car il avait une admiration sans bornes pour son cousin… mais le nommait à sa manière. Il avait du mal à retenir ce nom, encore méconnu, entendu une fois à la va-vite. Alors, il l’estropiait ou le contractait comme ça lui venait. Pour en finir, il l’appelait Destin et le jour où il fut élu président de la République, il insistait : « Je te l’avais dit, c’était son destin ! »… comme s’il avait vu ce vent venir depuis toujours.
Après l’élection, Jacques avait promis : « Le jour où le président ira en Corse, je le ferai passer par Lévie et je lui ferai embrasser notre tante », Zia Rosalinda, la sœur de leurs pères respectifs.
Ce jour-là, c’était un peu comme aujourd’hui à Roissy. La foule s’était massée dans la rue principale. La Sorba était noire de monde, il a fallu soulever Zia Rosalinda au-dessus des gens pour embrasser le président comme on se presse pour toucher le pape en visite. Il n’était pas question de le rater.
Tante s’en est souvenue longtemps, c’était son jour de gloire mais Giscard ne faisait que passer. L’histoire de Florence Cassez marquera sans doute plus longtemps, mais par ici on parle encore de Zia Rosalinda que tout le monde connaissait et prenait plaisir à rencontrer pour écouter ses bonnes paroles.