La revanche du putois confiné.

Cédric avait passé ses sept ans et se trouvait dans la même classe pour une deuxième année. Préoccupé par d’autres tracas dans son milieu familial, l’apprentissage de la lecture était le dernier de ses soucis.

Ce n’était pas le grand amour avec sa maîtresse. Elle imaginait qu’il avait installé un toboggan entre ses deux oreilles puisque l’une semblait plus haute, ses recommandations glissaient de l’une à l’autre sur un passage savonné pour accélérer l’évacuation. Aucun apprentissage ne fréquentait son cerveau, la classe, c’était du vent. L’enfant avait décroché et faisait la sourde oreille pour la chose scolaire. Il riait tout le temps, elle ne le supportait plus. Ils étaient devenus les meilleurs ennemis du monde.

Apprendre à lire l’importait peu et personne ne savait plus par quel bout le prendre pour tenter une approche de la lecture. Il venait me voir deux fois par semaine pour s’oxygéner, se ressourcer un peu avant de retrouver le coin que sa maîtresse lui avait aménagé pour avoir la paix. C’est dans cet endroit qu’il était envoyé paître chaque fois qu’il se montrait insupportable.
Il y faisait pénitence, non méditation.
Confiné.

Il trouvait le temps long derrière le meuble bas que sa locatrice avait poussé dans un angle en laissant juste le passage d’un côté pour qu’il puisse circuler un peu. Il vivait assis sur le sol, entouré de quelques livres qu’il avait jalonnés dans son enclos comme un rat transporte et sème de la paille après avoir fait son nid. En pleine leçon, alors qu’on ne le voyait pas, il manifestait sa présence par des gloussements, des bruits cacophoniques ou même de vastes éclats de rires. Habitués à ce comportement, les autres élèves ne réagissaient plus. Il avait déjà usé deux ou trois maîtresses de maternelle avant de se trouver là, de la sorte sa réputation était faite, chaque enseignant était au courant. Difficile de s’en défaire après toutes ces recommandations.

Le dialogue était rompu, il ne demandait rien et se satisfaisait de sa condition de banni.

Un jour, personne n’a su pourquoi, il a fait ses besoins dans son habitation triangulaire du coin de classe. Faute de WC dans son « local », il a tout déposé non loin du tableau puisqu’il logeait juste à côté. On entendait bien ses ricanements, plus personne ne s’en souciait. Ce n’est que lorsque l’odeur venue de sa tanière se répandit dans la salle que les doigts se mirent à pincer les narines de toute la classe.

La maîtresse affolée, dans tous ses états, m’appela à la rescousse. J’avoue que je n’ai pas été très courageux ce jour-là. J’ai réprimé comme j’ai pu mon envie de pouffer aussi tant la situation était comique et prévisible. Je ne voulais pas rajouter de la confusion à la confusion, ni aggraver la situation en donnant l’impression d’approuver une réaction absolument normale lorsqu’un putois se trouve acculé, n’ayant d’autre choix que de pulser mauvaise odeur pour repousser le voisinage hostile. C’était une manière plus appuyée de dire « j’existe » et « je vous em… ».

J’ai gardé mon hilarité pour plus tard et de temps en temps, quand j’y repense, j’en ris encore. Je revois Cédric, la tête enfoncée dans les épaules attendant une vive réaction qui n’est jamais venue. Sa révolte avait été radicale, à couper tous les souffles, tous les sifflets… Et à faire réfléchir.

C’est lui, par ce comportement inattendu, qui nous imposa la marche à suivre : Un regard nouveau avec une approche systémique…

C’est en impliquant tout le monde, enseignants, parents et intervenants extérieurs que les choses ont pu avancer. Rien n’était plus rapporté, tout était entendu par les personnes concernées, en direct, y compris l’enfant. Les comportements enfermés, parcellaires, subjectifs, des uns et des autres ont évolué vers une autre manière de considérer l’attitude de Cédric. L’enfant était en souffrance tacite dans son milieu familial. Il retrouva sa place parmi les élèves, se fondit dans le groupe et poursuivit une scolarité moins chaotique et sans rejet…

On ne le montra plus jamais du doigt pour en faire une bête de foire.

Le putois glousse, siffle et gronde. Il émet aussi des cris aigus en face d’un danger et projette un jet nauséabond issu d’une glande située à la base de sa queue, pour se défendre contre ses ennemis.  

Un petit jeu.
Devinez quelle était l’image originale pour réaliser le « Face à face » et vous gagnez une « Bonne Année » pour le jour de l’an 😉

La réponse a été trouvée par Almanito, faut pas chipoter, voici la preuve.

6 Comments

  1. Un élément de voiture? Phare? Rétro?
    Ce petit putois fait rire en même temps qu’on le prend en pitié…
    Il me fait penser à un petit camarade de classe perpétuellement dans les nuages. Le maître un jour lui avait demandé ce qu’il faisait. J’attends, avait-il répondu. Mais tu attends quoi??? … Ben l’heure de la sortie, tiens!

    1. On peut considérer que c’est gagné.
      Il s’agit du clignotant d’une Mercedes W110 des années 60.
      Je place les photos à la suite du texte.

      1. YES! J’AI GAGNé!!! Evidemment que je ne pouvais vous citer la marque et l’année, mais ce sont les vis qui m’ont mises sur le chemin et m’ont fait penser qu’il s’agissait d’un modèle ancien. Ceci dit il va falloir donner un coup de peinture à votre bolide cher ami 😉

    1. Un amateur passionné devrait pouvoir lui rendre sa jeunesse, beaucoup retapent les vieilles Citroën, les 11 et les 15. Ca a de la gueule, ces vieilles voitures 🙂

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