Le bal des sansonnets.

Le soir n’allait pas tarder à tomber et je n’avais pas eu ma dose quotidienne d’images.
Il fallait réagir vite pour évacuer ce manque.
Je m’étais persuadé de trouver quelque curiosité sur la façade d’un immeuble dans les environs immédiats de la ville.

Entre les bâtiments, la lumière ne révélait rien de réjouissant. Les voitures encombraient les rues, il était impossible de réaliser un cliché à hauteur d’homme.
Le jour faiblissait et l’appareil peinait avec des vitesses très lentes, à flouter toutes les images.
Augmenter la sensibilité m’a tout juste permis de figer une devanture fermée pour cause de siècle dernier, apparemment.
Ce fut le seul léger sourire de cette courte virée.
Maigre récolte.

Rien de satisfaisant. Je m’apprêtais à rentrer bredouille en me promettant de sortir plus tôt à la brunante du lendemain.
Parvenu au beau milieu de la ville, je fus attiré par un vrombissement diffus puis des criaillements aigus.
Un vol d’étourneaux s’abattait sur un pin urbain puis reprenait sa course insensée au-dessus des toits.
Par habitude, j’ai cliqué à la volée, sans grande conviction, juste par « sait-on jamais ».
Une visite rapide de l’écran de contrôle, je n’y voyais qu’image banale, sans aucun intérêt : « Bah ! Faute de merles, on shoote des sansonnets »…

Le vol s’éternisait, une gigantesque nuée d’étourneaux tournoyait, se déformait dans un ballet incompréhensible.

A quelques dizaines de mètres, j’aperçus un réverbère juste à flanc d’arrêt de bus. Je me suis adossé au panneau publicitaire, sous les lampes, et là, un autre spectacle s’offrit à moi.
On aurait dit que les oiseaux devenaient complices en se mouvant par vagues comme les bancs d’anchois dans l’océan. Ils dansaient à l’unisson en dessinant des arabesques folles d’une souplesse inouïe. La vague ondulait élégamment puis se brisait soudain, se reformait et piquait net vers un pin plus élevé que les autres arbres d’un square.
Après un temps de repos ou pour une raison que j’ignore, le nuage magique reprenait de l’altitude et repartait dans un harmonieux patinage artistique.
Cela dura ainsi une bonne vingtaine de minutes jusqu’à la tombée de la nuit.

Sous la lumière jaune-orangée, j’avais l’impression d’une communion avec les oiseaux comme si les sansonnets m’offraient un spectacle gratuit.
Quelques rares passants, s’arrêtèrent pour me regarder curieusement puis comprenant ma posture, repartaient en souriant…

J’avais ma dose suffisante pour calmer mon addiction d’images, je m’apprêtais à un autre plaisir, devant mon ordi, j’allais savourer ma récolte crépusculaire…

D’abord, un jeu étrange, deux bandes se partageaient les plateaux d’une balance.
Une pipe tira deux bouffées d’étourneaux, la troisième était déjà partie en fumée.
La bande prit de l’altitude…
…et se fit monde grouillant.
Le ciel s’assombrit.
La nuit était proche.
Les sansonnets commençaient à gagner la cime des arbres…
Comme dans un rêve, les réverbères se mirent danser avec les derniers oiseaux…
Mon esprit s’évada vers une autre galaxie…

3 Comments

  1. Ils nous offrent un spectacle fascinant, j’adore les regarder mais depuis quelques années nous en avons moins car un fauconnier lâche une buse tous les soirs pour les dissuader de venir en ville. Depuis les voitures sont plus propres mais finie la magie…
    Leur vol en volutes groupée leur sert justement à se défendre des prédateurs. Au grand départ le matin, ils se regroupent tous sur quelques arbres tandis que les veilleurs font une sorte de ronde pour vérifier que le ciel est libre avant de donner le signal du départ.
    J’aime beaucoup aussi les traitements, les 2 images sont belles 🙂

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