Un copain de pétanque qui aimait taquiner la demoiselle cherchait à enrichir son vocabulaire pour mieux assurer la drague. Il me demandait conseils, non pas que je sois un spécialiste de la chose mais parce que, pensait-il, mon répertoire imagé lui semblait plus étoffé. Le mot qui me vint à l’esprit sur le champ fut callipyge. C’était sorti comme une boutade.
– Si tu le penses vraiment, arrange-toi pour lui dire qu’elle est callipyge mais n’en abuse pas. Et si elle ne sait pas ce que cela veut dire, tu as un boulevard pour commenter l’idée mais fais-le élégamment.
Vous imaginez facilement que j’étais dans la dérision mais était-ce une bonne idée avec un tel personnage plus « batachju », comme on dit chez nous, que badin. Si le badin aime la plaisanterie légère et manifeste un caractère enjoué, « u batachju » est un farfelu qui force sur la plaisanterie en croyant amuser la galerie. Il alourdit le trait. Aucune chance de le voir « callipyger » avec discernement et modération.
Evidemment, il ne connaissait pas le sens du mot et lorsqu’il l’apprit, il riait tout seul.
Rêveur, sa moustache frisait à l’idée d’utiliser ce vocable nouveau qui allait faire des ravages, sans imaginer qu’il pouvait déclencher, en retour, une bonne claque aussi. Cela faisait belle lurette qu’il courtisait une donzelle, peut-être d’autres car son œil était très envieux en zyeutant chaque passage féminin, un malade dirait quelqu’un d’autre.
Il pensait, cette fois ci, être mieux armé pour faire le zouave.
J’ignore si le mot porte bonheur lui fut favorable, il ne serait pas étonnant qu’il l’eut oublié avant de revoir la personne :
– Vous êtes, vous êtes… Je l’ai sur le bout de langue… Bref, vos fesses me donnent le vertige !
Un jour, alors qu’il venait d’apprendre que je m’intéressais au langage et tentais de corriger défauts d’articulation, retards de paroles ou, plus sévères, des retards de langage, il m’avoua que son épouse présentait ce type de profil. Il me demanda si je pouvais le conseiller pour l’aider à résoudre ce problème.
Trainer cela après la trentaine n’était pas de bon augure, il y avait sans doute d’autres troubles associés. Il cherchait un exemple pour me convaincre.
J’avais beau lui dire que cela ne servirait à rien, surtout s’il se chargeait de conduire la rééducation.
Il insistait pour que je lui en dise davantage.
Sans connaître son épouse, j’imaginais pourquoi courir la callipyge ou en rêver seulement, semblait le titiller si souvent. Parfois vous tombez sur de tels cas… Des couples improbables qui résistent tant bien que mal dans le temps en pareille aventure.
J’ai su qu’elle était folle amoureuse de son mari qui, très volage, s’en détachait de plus en plus. L’amour est aveugle, dit-on, et jusque-là, il n’avait rien vu venir.
A l’occasion d’un concours de pétanque, entre deux parties, il s’est approché de moi et m’a dit :
– Hier, j’ai bien écouté et par exemple, elle dit cassastrophe au lieu de catastrophe.
Nous étions dans le cataclysme à chacune de ses remarques. Visiblement, ce jeune couple ne paraissait pas nager dans le bonheur, toutes les observations du joyeux bouliste, plus joyeux dehors qu’à la maison, étaient fortement imprégnées de pessimisme. Son épouse cafouillait sur les mots, il n’avait retenu que celui-ci, comme un vocable prémonitoire.
Une semaine plus tard sa femme se jeta par la fenêtre. Heureusement, ils habitaient au premier étage, elle en fut quitte pour une foulure de la cheville et lui pour un sérieux avertissement…
Pas totalement folle la guêpe !
Triste couple immature, je ne connais pas la suite de l’histoire, il faut espérer qu’ils n’aient choisi de vivre au quatrième étage à la faveur d’un déménagement.
Etait-ce pétadille ou cassastrophe ?
Entre peccadille et catastrophe toute l’échelle de Richter d’un tremblement conjugal… Chacun en appréciera le degré…
Etre callipyge= avoir de belles fesses.

A reblogué ceci sur Les choses de la vieet a ajouté:
Récit un peu laborieux mais réelle anecdote.
Je connaissais cette belle poire callipyge 😉
Si ça se trouve c’est justement ce défaut de langage qui l’a séduit au début de leur rencontre qu’il reprochait ensuite à sa femme…
Je connaissais une dame qui se plaignait de « l’humanité » des murs dans son habitation 😉
Je suppose que u batachju en langage djeun’s c’est un relou ???
Le meilleur moyen d’apprendre le corse est de lire tes anecdotes finalement, à moins de l’écrire anedcotes ???
A prestu Simonu
PS c’est vrai qu’elle a un beau cLu cette poire 😉
Demain ou lundi, je vais revisiter un texte, écrit trop vite, d’anecdotes qui donnent une idée du vivre ici, au milieu du siècle dernier.
Batachju = relou, c’est convenable.
Oui, la poire a un beau Luc 😉 On aura fait une partie du tour des lettres.
Bonne soirée a prestu.