Vitarbula, c’est ainsi que nous appelions cette plante volubile durant notre enfance, dans notre village de Lévie (Les noms varient selon les endroits de l’île). A Pardina et Funtanedda envahies par les lianes lancées à la conquête des arbres, constituaient les meilleurs endroits pour nos jeux d’enfants. Point besoin de parc grandiose pour s’imaginer un décor de jungle avec toutes ces cordes solides bien arrimées à la cime des chênes ou des aulnes lorsque nous jouions au-dessus d’un ru, c’était le cas pour les lieux-dits, cités plus haut. Ce fleuve Amazone miniature suffisait à notre bonheur. Nous étions largement informés des aventures de notre héros puisque nous les suivions semaine après semaine dans des revues hebdomadaires achetées chez Joseph, le marchand à tout vendre ou presque. A chaque lecture nouvelle, nous changions de scénario, c’était bon pour l’imaginaire et la lecture aussi, puisque nous l’améliorions avec le suivi des aventures, sans effort et toujours motivés.
Des Tarzan, il y en avait partout. C’était à celui qui se balancerait avec la plus grande amplitude pour atteindre la liane la plus éloignée. Celui-ci était assuré d’être le tarzan en chef du coin et de taper dans l’œil des jeunes Jane qui se formaient aux lois de la jungle en assistant au spectacle. Généralement, les jeunes filles ne participaient pas aux acrobaties, elles se contentaient de s’émouvoir, de trembler, de lancer des cris admiratifs à l’adresse de leur Tarzan préféré. Elles nous épataient d’une autre manière, en pataugeant dans la boue et se barbouillant le visage, par exemple, pour se donner un air de Jane…
A la préadolescence, nous imitions nos pères en fumant des morceaux de liane sèche. Un bois poreux qui se prête à l’aspiration pour rendre le bout opposé incandescent. Lianes fines pour les cigarettes et plus grosses pour les cigares. Nous donnions des noms bien réels Lucky Stricke, Camel, pour le standing, Cyrnea, Balto, gauloises ou gitanes plus en phase avec les moyens de nos pères . Cela ne durait pas plus d’une minute ou deux car la fumée était très acide et nous rebutait assez rapidement. C’était juste le temps de faire comme papa.
Ces jeux, évidemment, n’existent plus depuis belle lurette, les exploits tarzanesques se pratiquent de manière plus spectaculaire avec le pouce , très habile et très spécialisé pour actionner les boutons d’une manette. Les héros nouveaux renforcent thénar et hypothénar (muscles de la main) plus que le dos et les jambes. Les genoux, les vertèbres et les côtelettes ne risquent plus grand chose sinon les travers de l’inactivité. La vue en paie son tribut, les chips et corn flakes profitent au bidon…
Bref à chacun son époque, imaginaire et active pour les uns, imaginaire, toute imaginaire, assis sur chaise pour les autres…
La clématite vitalba, clématite vigne blanche ou des haies mais aussi herbe aux gueux, nous ignorions ces noms, nous nous contentions de profiter des opportunités offertes. Aujourd’hui, on la rencontre dans les livres, toutes les pages de la nature sont ouvertes pourtant.
Voici quelques images.