Le chroniqueur, la chronique et le croqueur de chroniques.

    Ce texte a été publié sur la page chroniques d’abonnés (comme la plupart des autres, hormis les portraits) lemonde.fr.

    Il traite des chroniques et réactions que l’on trouve en regard de chaque texte.

  Vous avez, sans doute, reconnu la page du monde.fr qui nous est chère. En somme, le pêcheur, l’appât et le poisson. Pêche en étang, rivière ou mer, au toc ou sportive avec au bout de l’exercice quelques prises ou la bredouille.Les pêcheurs sont nombreux. Il y a les habitués chevronnés, les occasionnels et ceux du dimanche. Tous n’ont évidemment pas les mêmes ambitions ou plutôt les mêmes attentes. La connaissance des bons coins et des bons appâts est primordiale.
  Les plus spécialisés savent que la daurade raffole de bibis, gros vers charnus capables d’étouffer une girelle ou un jeune sar. Ceux-là ont une grosse culture littéraire ou philosophique, leur esche n’attire que le gros. Le petit se fait encore plus petit et n’ose les titiller. Je ne me vois pas réagir sur les défauts et anachronismes dans l’œuvre de Tite-Live ni citer la Nature Naturante ou Naturée de Kant… Lorsque le morceau est trop gros on ne peut même pas admirer. Les spécialistes se connaissent entre eux et communiquent volontiers en circuit fermé n’oubliant pas d’aller saluer ça et là quelque petit inconnu de passage.

  Je cherche plutôt l’appât pour le menu fretin. Plus abordable, je tente une approche timide ou décalée. « La burqa, une mode » par exemple, pour quelques jeux de mots : « mode cache-cache » puis « mode colin maillard » (se voiler la face), « mode bâillon » (la fermer ou se faire clouer le bec) juste quelques aspirations sans trop mordre à l’hameçon. A chacun sa nourriture. Les gros ne craignent pas les hameçons qu’ils se tendent car ils n’ont pas d’ardillons pour eux… en revanche, je ne m’y aventure guère de peur de me faire harponner.

  Il y a celui qui trouve la bonne mouche sans trop savoir pourquoi ni comment. Après plusieurs lancers infructueux, il tombe sur un banc en chasse. On se demande, alors, si le poisson était  affamé ce jour là ou si la mouche était la bonne trouvaille. Il y a des jours comme ça. « La fessée… » par exemple a récolté plus de réactions que mes tentatives pourtant nombreuses et variées. J’ai essayé une multitude de vers : la politique, le sport, la religion, le quotidien jouant sur leurs différentes facettes et, aujourd’hui je tente « la pêche à la chronique ». On s’habitue vite même au menu fretin ; quelques réactions sympathiques de courtoisie, juste de quoi ne pas toujours rentrer bredouille. C’est sympa !

  Il y a également le pêcheur du dimanche qui lâche son fil juste pour faire trempette. Lui, s’en fout. Il s’endort parfois à l’autre bout de sa canne. C’est dimanche et le dimanche on ne se prend pas la tête. J’aimerais bien être un pêcheur du dimanche toute la semaine.

  Et puis, il y a ceux qui subissent – sans trop s’y attendre – des attaques en règle, massives, de piranhas, barracudas, grisets… A leur place, je n’oserais plus mettre une chronique à l’eau tant ces attaques sont fortes et destructrices…pour moi peut-être, pas pour eux. Ils reviennent taquiner le goujon ou le carnassier comme si de rien n’était. Courageux, insensibles, stoïques, masochistes ou tout simplement inconscients ?

  J’ai parfois cherché à comprendre la signification de l’absence de réaction. A-t-on fait l’impasse ? (pas connu ou connu : bof), l’appât est-il fade ? Sans intérêt ? Bof ! Pas de quoi fouetter une roussette !  Ou, OK, je n’ai rien à ajouter ! Difficile d’en savoir plus en l’absence de touches.

  J’ai découvert cette possibilité de chronique au mois de février dernier. Je suis donc un apprenti pêcheur, jeune pêcheur et prends goût à cette communication sans chercher une quelconque explication psychanalytique. Peu m’importe, ça m’amuse, suffit à mon plaisir et même en l’absence de retours, je chercherai à peaufiner mes leurres. Je n’ai aucun passé dans l’écriture mais ne souhaite pas devenir pêcheur dans l’eau sans vie. Au pire, devant trop de silence, je poserai ma canne pour m’asseoir sur la rive et écouter l’eau qui coule. Peut-être y verrai-je un poisson rouge dans l’onde claire.

  Je n’en suis pas là, je garde mon attirail, cherche le bon appât… espérant trouver autre chose que la graine de maïs qui n’attire que des carpes, sans voix c’est bien connu.

  Cette nuit j’ai rêvé d’une pêche miraculeuse, un véritable coup de filet. Mon appât du jour ne décrochait qu’un léger sourire mais chaque cyprinidé, salmonidé, sparidé et autre labridé venait me saluer en marge, tout près de la rive : « Salut », « Bonjour », « Ca va ? », « Continue », « Fais la sieste ! », « Cherche une épuisette. », « va plutôt aux écrevisses », « j’ai failli me laisser tenter »…J’ai compris, alors, que malgré l’absence de touche franche, je ne pêchais pas dans une mer morte ou un quelconque cours stérile.

  Vous l’avez deviné, ce n’est qu’un clin d’œil à notre nouveau métier de pauvre pêcheur. Le sujet de la chronique peut être ouvert ou clos, fort ou faible, lyrique, poétique ou plat, et pour nous la saison reste ouverte toute l’année.

   Bonne pêche à tous ! 

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