Mission accomplie.

Je crois.

Peut-on mourir heureux ? Drôle de question, n’est-ce pas ?

Je pense que c’est possible à condition de ne pas souffrir du syndrome de la cerise mûre.

Lorsque vous dégustez des cerises, vous commencez par croquer celles qui vous paraissent plus mûres. Une fois avalées, il vous semble qu’il reste encore des cerises bien rouges et ainsi de suite jusqu’à la dernière. Votre comportement est orchestré par la relativité. Les cerises sont toujours rouges même lorsqu’elles sont encore jaunes, en fonction de celles qui restent dans le panier. Si vous n’êtes pas de ceux qui se font piéger par la relativité du système alors vous pouvez mourir heureux et partir en toute tranquillité puisque vous avez assimilé ce mode trompeur et sans fin. Il se joue de vous ou vous en jouez sans le savoir, ce qui n’est guère mieux. Toute une vie de leurre est une vie gâchée. Le moment doit venir de passer au vrai, je n’ai pas dit « à la vérité ». Le vivre vrai est le vivre sincère, sans artifices fallacieux. Souvent, il irrite ou agace l’entourage, tous ceux qui vous côtoient. Tant pis, tant pis pour eux, s’ils ne supportent pas les mots qui ne trichent point. Je fuis les mots menteurs. Je préfère dénoncer les faux semblants plutôt qu’acquiescer pour ne pas déranger.

Pendant un bon bout de temps, je plantais des arbres pour la descendance, et puis, j’espérais les voir fructifier. J’en plantais d’autres et l’envie de les voir produire me reprenait. C’était une manière de me marabouter, une sorte d’effet placebo pour me persuader d’espérer vivre un peu plus longtemps. en me fixant des échéances toujours repoussées

La sagesse vient un jour. J’ai l’impression d’avoir épuisé tous les subterfuges, toutes les illusions, je suis enfin heureux en pensant être allé au bout de mes envies. Le leurre ne marche plus, la sérénité s’est installée.

Durant mon activité loin de chez moi, je craignais de ne jamais revenir sur ma terre – maigre terre acquise – dans ma maison, mon jardin qui m’attendaient pour les vacances seulement. C’était une pensée taraudante qui m’angoissait beaucoup. J’avais l’impression de ne pas aller au bout de mes envies, j’avais peur de mourir loin de chez moi. Je gardais, bien enfouie au fond de mon être, l’idée de travailler aux champs comme mon père. Un passage nécessaire, bien plus qu’obligé, c’était viscéral. Père avait inlassablement bêché et travaillé le jardin des autres, j’ai défriché un petit coin de maquis, un lopin de terre, un coin potager comme un jouet fabriqué pour jouer à papa. Retrouver le vivre de mes aïeux comme un appel des jours anciens…

Dans mon jardin, un endroit aride, exposé au soleil du matin au soir sans connaitre la moindre petite ombre, j’ai trouvé le bonheur, le partage avec les miens. Tous découvrent le plaisir de vivre simplement. De produire, de subir les aléas du temps, de croquer la pomme, le raisin, de déguster la figue cueillie sur l’arbre, de ramasser la noix… de mordre dans la noire de Crimée, la « cœur de bœuf » à peine le pédoncule tiré. Des tomates savourées nature devant les autres sur pied, sans vergogne, parfois légèrement salées si j’ai glissé la salière dans la poche avant d’aller au jardin. Dans ce cas, je joue à grand-père qui portait toujours dans sa poche un peu de sel dans un bout de papier blanc…

Bleu matinal

Hier matin, assez tôt, j’allais ouvrir le poulailler. Le soleil pointait à peine un coin de son œil lumineux, j’ai découvert le bleu matinal. Vous connaissez ? C’est une nuance particulière de l’azur. Une sorte de bleu céruléen, plus soutenu, qui semble avoir emmagasiné la fraîcheur de la nuit. On devine ce concentré de frais, un ton légèrement foncé, engendré par la lune et les étoiles frisquettes. Dans quelques minutes, lorsque le soleil flashera la fleur d’althéa de ses rayons rasants du matin vif, le violet lavé sera plus léger, un peu transparent, terne, nettement moins dense. La corolle opaque d’un bleu matinal se fera diaphane pour contraster avec l’azur d’un ciel radieux. La teinte du frais matin est de quelques instants seulement. Il faut avoir le regard alerte pour la capter et l’admirer un instant, c’est un bleu qui passe sans faire de bruit, un bleu qui n’attend pas et puis s’efface.

Au soleil

J’ai sautillé sur le long chemin. Les ans ont filé, ce fut rapide, déjà le bout de l’aventure. Comme le jour et la nuit, comme le soleil, la vie se lève, galope ou trottine, s’endort et puis s’en va. Mon sommeil sans rêve viendra, je suis serein, je crois mission accomplie…

J’ai chanté les choses de la vie, je les chante encore en attendant le requiem…

Les jours et les nuits

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