Apparemment, on a trouvé de l’eau à la porte de l’Inferno.
Parfois, il me vient une idée saugrenue. Je suis un toxicomane à ma manière, il me faut ma dose quotidienne d’écriture sinon je suis mal. Il n’existe pas de patch distillant des lettres et des syllabes à petites doses faiblissant progressivement pour un sevrage de l’écrire, je ne l’aurais jamais porté si d’aventure il eut existé.
Fumer les mots et lâcher des volutes d’idées, même un peu folles, c’est trop bon dirait un accro comme moi. Alors, je fume les phrases plus que de raison, sans modération quitte à taper sur le système de ceux qui reçoivent mes textes quotidiens. Ça ne nourrit pas son homme comme le pain du chrétien.
Alors, demain, je ne serai plus de ce monde ? C’est certain à n’en pas douter. Je devrais même l’inscrire au fronton de ma Zinella pour bien marquer les esprits et afin que personne dans mon entourage ne soit frappé de surprise en apprenant ma fuite au paradis. Au paradis ? De nombreuses personnes m’ont signifié que je n’y avais pas droit. Interdit de séjour là-bas. Ces personnes bien informées le savent parfaitement et me tiennent au parfum. C’est bien dommage, connaître la douceur de vivre après cette canicule ça doit être divin. Bon ! Je n’y peux rien, les dés sont jetés et mal tombés pour moi. Ça m’apprendra à dire des bêtises. Enfin, ça ne m’apprendra rien car je n’aurai pas l’occasion de recommencer, on ne vit qu’une fois, il ne faut pas louper l’unique passage ici-bas.
Il me reste encore quelques heures peut-être des poignées ou des brassées de tours de cadran, allez savoir ! Sans doute quelque mal encore caché attend son heure, à force de plaisanter on risque de le réveiller plus tôt. Les superstitieux font silence et ne tentent jamais le diable. J’ai donc tous les défauts y compris celui de tenter Satan. Croyez-vous qu’il s’intéresse à moi ? Il doit viser plus solide, plus malin, plus vilain, plus toxique que moi. Dans son antre, on embroche du juteux pas du banal sautillant et souriant.
Donc, demain, je ne serai plus de ce monde. Je me suis souvenu d’un vieil ami villageois qui inscrivait sur le miroir du bar de son frère : « Demain, on boit à l’œil ! » Les plus assoiffés s’étaient présentés de bonne heure devant le comptoir du Progrès et attendaient, accoudés, l’heure de la boisson gratuite. Antoine, frère de Padoue le patron des lieux, allait et venait, tournait en silence pour laisser mijoter les impatients, puis il lâcha à la cantonade :
- Qu’est-ce que vous attendez ?
- Ben, la tournée gratuite !
- Vous savez lire au moins ? Il est écrit demain on boit à l’œil ! Aujourd’hui, ce n’est pas demain ! Alors patientez jusqu’à demain.
C’est en repensant à cette anecdote, à laquelle j’ai assisté, que l’espoir est revenu.
« Demain, je ne serai plus de ce monde », de tacite et perpétuelle reconduction cette affirmation me réserve peut-être encore des lendemains qui chantent… Je finirai bien par tomber sur celui qui chante plus.
Ora pro eis ! Priez pour eux !
Moi, je ne prie plus depuis belle lurette, j’attends…
Un jour j’aurai raison, une raison qui n’urge point.