Cette histoire se situe dans la deuxième partie du siècle dernier. C’est un départ d’histoire vraie qui se poursuit en sketch improvisé.
Za Mèmè reçoit son fils, sa belle fille et ses petits enfants en vacances d’été. Nous sommes au mois de juillet. Il est onze heures, elle rencontre sa voisine Catalina à la fontaine.
Minnà=Grand-mère
Cet exercice est une première. Un exercice périlleux tant pour l’essai que pour l’orthographe du corse que je ne maîtrise pas. Serez-vous indulgents ? Je crois que ce sera une première et dernière fois.
Catalina – Alora ô Za Mèmè, sò ghjunti i ziteddi ?
Za Mèmè – Ié ! Sta mattina. A pèna ghjunti i zittidini sò partiti versu Archigna ma sò vultati prestu, russi inciapati.
U maiurettu mi dici : Minnà, on vu un renardeau !
Un renard d’eau ? Y en a pas en Corse ô fido !
– Si si minnà !
– Aio ! Y a pas d’eau en descendant à Archigna, comment ils font pour nager ?
– Non minnà, dit-le vite : « Un renardeau » !
– Vite ou pas vite, il n’y a pas de renard d’eau ici chez nous.
– Mais minnà, c’est un petit renard, un bébé !
– Alors c’est una vulpina o vulpuchja ! »
Ohimé ! Ò Catali, iddi credini di sapè tuttu.
Tè ! Hè come sì « canards-d’air » chi schizzani l’aqua pà spinghja u focu ! Un sò micca canards, sò avions !
Lacami andà, sò guasgi mezziornu, ci voli à pasciali tutti.
Mi ! Sò annantu à l’asinu. Allez fidulini, il faut se laver les mains, on va manger.
– Qu’est-ce que t’as fait à manger, minnà ?
– Des alouettes sans tête et de la pasta asciuta.
– C’est quoi des alouettes sans tête ?
– Des alouettes, des petits beefsteaks farcis avec de l’ail, du persil, des bouts de panzetta. Ils sont roulés puis cuits dans une sauce tomate, des olives noires et des champignons de Paris.
– Pourquoi sans tête ?
– Parce que la tête ça ne se mange pas ! Allez, lavez-vous les mains !
Seule dans la salle à manger, Za Mèmè parle à haute voix : Chi ghjurnata ! I renards-d’eau, i canards-d’air, les alouettes sans tête, un manca piu che i meruli d’acqua !
A ce moment précis, son fils Antoine, instituteur dans la région parisienne pénètre dans la salle et lui lance :
– Ò Mà, i meruli d’acqua si chjamani i « cincles » !
– Cinqui ! Dinò ? Aio basta ! A taaaable !
Dix minutes plus tard c’est le silence complet.
Si senti à pena rustuccia subra à i piatta.
– Alors, fidulini, elles sont bonnes les alouettes sans tête de minnà ?
Les enfants opinèrent du chef sans dire un mot.
Chi mastuca o mastucighja senza parlà, qualcosa faci falà !
Tout le monde était enfin d’accord.
Moralité.
Canard-d’air ou renard-d’eau
N’est qu’un air de pipeau.
Rustucciò, rustucciù, rustuccià
Toute une vie, des repas de minnà te souviendras !
Comme je n’ai pas de renard-d’eau, je vous offre un sourire.
Voici une version traduite en français pour aider à comprendre. Certaines expressions traduites perdent de leur petit piquant.
Catalina – Alors, Za Mèmè, les enfants sont arrivés ?
Za Mèmè – Oui ! Ce matin. A peine arrivés, les petits-enfants sont partis vers Archigna mais ils sont revenus très vite, le visage rouge cramoisi.
L’ainé me disait : Minnà, on vu un renardeau !
Un renard d’eau ? Y en a pas en Corse, mon fils!
– Si si minnà !
– Aio ! Y a pas d’eau en descendant à Archigna, comment ils font pour nager ?
– Non Minnà, dit-le vite : « Un renardeau » !
– Vite ou pas vite, il n’y a pas de renard d’eau ici chez nous.
– Mais minnà, c’est un petit renard, un bébé !
– Alors c’est una vulpina o vulpuchja ! » (renardeau)
Mon Dieu ! Catherine, ils croient tout savoir.
Tiens ! C’est comme ces « canards-d’air » qui crâchent de l’eau pour éteindre le feu ! Ce ne sont pas des canards mais des avions !
Laisse-moi aller, il est presque midi, il faut les nourrir tous.
Regarde-moi ça, ils sont sur l’âne. Allez petits enfants, il faut se laver les mains, on va manger.
– Qu’est-ce que t’as fait à manger, minnà ?
– Des alouettes sans tête et de la pasta asciuta.
– C’est quoi des alouettes sans tête ?
– Des alouettes, des petits beefsteaks farcis avec de l’ail, du persil, des bouts de panzetta. Ils sont roulés puis cuits dans une sauce tomate, des olives noires et des champignons de Paris.
– Pourquoi sans tête ?
– Parce que la tête ça ne se mange pas ! Allez, lavez-vous les mains !
Seule dans la salle à manger, Za Mèmè parle à haute voix : Quelle journée ! Les renards-d’eau, les canards-d’air, les alouettes sans tête, il ne manque plus que les merles d’eau !
A ce moment précis, son fils Antoine, instituteur dans la région parisienne pénètre dans la salle et lui lance :
– Maman ! Les merles d’eau s’appellent des cincles !
– Cinq ! Encore ? Ah ! ça suffit ! A taaaable !
Dix minutes plus tard c’est le silence complet. On entend mastiquer au-dessus des assiettes.
– Alors, petits-enfants, elles sont bonnes les alouettes sans tête de minnà ?
Les enfants opinèrent du chef sans dire un mot.
Qui mâche ou mâchouille longuement sans parler, quelque chose il avale ! Pensa-la grand-mère.
Tout le monde était enfin d’accord.
Première tentative réussie. Il est vrai, pas facile pour nous qui avons appris le corse à l’école, ou plutôt pour être précis, dans la cour de l’école. Nous le parlons, je pense assez bien, le lisons avec quelquefois des difficultés et l’écrivons comme nous pouvons et en tous cas, pas de façon académique.
Cela ne nous a jamais interdit de jouer avec les mots et les à peu prés entre corse et français pour rire ou sourire, du genre: »Mon fils était à vélo, il est « casqué » et s’est fait mal à la tête.
S’il était casqué comment a-t-il eu mal à la tête ? »
A te lire.
Bonjour JP,
Je suis parfaitement de ton avis et d’accord avec tout ce que tu dis.
C’est comme « Je vais te facher et après tu dors. » « Non minnà, je ne vais pas me fâcher ! » ( Te facher=Te couvrir « fascià » en corse pour ceux qui ne sauraient pas.)
Merci JP