Bon’annu e bon capu d’annu !

C’est en disant ceci que nous souhaitions la bonne année lorsque nous étions enfants. Bonne année et bon début d’année, c’est la traduction littérale du titre.

Les enfants dégourdis parcouraient le village en quête d’étrennes. Ils visaient quelques piécettes pour avoir de quoi s’acheter un pistolet à bouchon explosif ou à rouleau d’amorces qui dégageaient une agréable odeur de poudre. C’était sans doute cette odeur qui accompagnait le petit bruit sec qui nous plaisait le plus. La mémoire olfactive perdure plus que celle auditive. L’arc avec ses flèches à bout caoutchouté qui faisait ventouse était également très convoité. Le haut de gamme, trop onéreux pour nous, n’était accessible qu’aux enfants qui avaient une famille élargie plus fortunée. Nous rêvions du tourniquet sur trépied avec quatre pigeons métalliques qui tournaient et que l’on devait atteindre avec un fusil à flèches. C’était la grande mode, le pigeon désarçonné chutait puis pendait au bout d’une chaîne. Le summum. C’était plus qu’un jouet puisque nous avions l’impression d’être dans le Pinettu tout proche à l’affût des ramiers. C’était l’époque de Captain Miki, Blek le Roc, Akim, Sylvain et Sylvette dans les années cinquante. Un temps où la chasse prenait une importance grandissante à mesure que les garçons filaient vers leur adolescence. Pour les filles, je ne sais pas, elles étaient plus discrètes et couraient le « Bon dì e bon annu » (Bon jour et bonne année) de manière moins ostentatoire.

Il ne faut pas croire que le jour de l’An était un jour de bonté absolue. Bien au contraire c’était l’occasion de récolter un peu d’argent et qui dit argent dit esprit vénal, exacerbé ce jour-là, presque inventé pour l’occasion. Nous sortions d’une période plus raisonnable au cours de laquelle la génération précédente recevait en guise d’étrennes, des figues sèches, des noix, parfois des oranges ou des mandarines. Au mieux, nous récoltions des papillotes ou quelques sous en allant chez le parrain et la marraine, l’oncle et la tante, mais la figue sèche et la noix étaient encore d’actualité. Notre génération commençait à viser le franc. Il n’était pas rare d’entendre, après avoir reçu des figues, ces mots qui effaçaient les bons vœux : « Colpu di catarazza chi idda compii a voscia razza ! » (Coup de trappe qu’elle détruise votre race ! Les plus hardis souhaitaient aux moins généreux un coup de trappe, qui mène à l’étage supérieur ou au grenier, sur la tête) C’était dur.

Dans notre famille, nous n’étions pas si ambitieux. Plutôt timides, un peu sauvages, nous rechignions à parcourir les quartiers, nos visites étaient très limitées et plutôt de proximité. Ma grand-mère nous obligeait à passer chez certaines personnes bien connues à la Navaggia ou dans les environs immédiats : « Andetti à vedda Zia Lizandrina, Za Barbarina, Zi Ghjuvanni, i Canarelli… » (Allez voir… des anciens, ici nommés, vous l’avez deviné.)

Je me souviens d’un jour de l’An très particulier. Je vivais avec ma tante à la sortie du village mais je passais le Noël avec mes parents et mes grands-parents. Tata m’avait demandé ce que le Père Noël m’avait apporté. Rien.
Alors, me dit-elle :

  • Tu sais ce n’est pas fini, lorsque le Père Noël oublie quelqu’un c’est le Jésus de la crèche, u bambinu, qui le remplace entre la Saint Sylvestre et le jour de l’An.

Lorsque je me suis réveillé ce premier janvier, j’avais un grand cadeau emballé au pied du lit. C’était une batterie complète avec grosse caisse, cymbales fixes, timbale en bois… ce fut une surprise totale, jamais je n’aurais cru me faire musicien un jour. Vous imaginez le vacarme dans la maison durant toute la journée. Au début, tante était heureuse de me voir en joie mais après quelques heures, elle n’en pouvait plus :

  • Ohimé chi aghju fattu di cumprà quissa cosa ! » (Mon Dieu, qu’ai-je fait d’acheter cette chose !)

Les nuits de la Saint Sylvestre se passaient au coin du feu, les pétards et les feux d’artifices étaient joués par le crépitement des bûches et les gerbes d’étincelles qui célébraient à leur manière l’année nouvelle…

Bon di e bon annu !
Bonne Année à tous !

J’y suis allé un peu fort dans le grignotage…
Une année ça se grignote plus vite qu’on ne croit, rendez-vous compte du temps passé depuis Sylvain et Sylvette !   
Muloton

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