Le hérisson Loïc (9 ans)
Lorsqu’il était obligé de quitter son biotope, où bien luné, mal luné, il parvenait à vivre sans trop écorcher les autres, pour venir au su et au vu de tous passer son moment de rééducation dans mon agora, Loïc ressortait son instinct sauvage.
Tantôt hérisson se mettant en boule, les bras croisés bien collés contre le corps, le menton dans la poitrine, le nez pointé vers le sol, la bouche cousue, ne craignant ni chatouilles ni chants de sirènes… Tantôt porc-épic contractant ses muscles horripilateurs afin de hérisser ses piquants, prêt à les lâcher par salves sur un éventuel agresseur : Loïc se défendait ainsi, parfois retranché, parfois agressif.
Il détestait cette mise en lumière et se rebiffait sans concession. La lecture se déchirait, s’effilochait sur cette herse redoutable. Les mots s’embrochaient et, vidés de leur substance, secs, retombaient sans âme à côté de sa chaise.
A force de patience, Loïc se fit échinoderme puis bogue moins menaçante. Son nez sensible pointait plus souvent pour humer quelques livres que sa curiosité naissante repérait. Puis ses petites dents pointues d’insectivore commencèrent à briser quelques carapaces craquantes laissant beaucoup de débris autour de lui, appréciant ça et là quelques mots comestibles.
Lorsque sa confiance fut totale, entièrement libéré de son carcan hérissé, Loïc se mit à fouiner partout, à manger sans faire de miettes… et très vite il suivit les chemins qui mènent à la lecture.
Oh ! Il avait bien gardé un fond d’instinct sauvage mais ne faisait plus que piquant de velours comme pour montrer à son monde que le naturel pouvait poindre à la moindre alerte, à défaut de revenir au galop.
Mardi prochain : Le gladiateur.