Casanu.

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Ce n’est pas dans mes habitudes de faire de la pub, d’autant que le mot pub semble toujours connoté de parti pris, sans grande objectivité et parfois mensonger. J’ai découvert, il y a quelques jours, ce fromage moelleux à souhait, presque fondant, à la croûte jaune orangé qui imite le clavaire crépu ou les circonvolutions d’un cerveau de linotte et qu’on ne prend même pas soin de dégager. Lorsque le palais découvre cette pâte onctueuse légèrement parfumée à la châtaigne, on avale le morceau tel qu’il est prélevé. Comme ça, tout de go, à pleine bouchée afin que les papilles se roulent et  « s’empâtouillent » dans cette presque crème savoureuse.

Ah ! Je vous le dis comme ça me vient, tel je le pense, c’est divin ! D’ailleurs un signe ne trompe pas. On ferme les yeux, on s’embourbe langue et palais, on roule, on fait mine d’avaler et puis on ramène tout pour un autre tour d’emplâtrage buccal avant de pousser au fond du gosier pour faire place à la prochaine bouchée encore plus généreuse, tant on raffole du Casanu dès qu’on y a goûté.

Ah, la la ! Casanu ! Comme à la maison, comme tempi fà di missiau e minanna ! D’un coup, me sont revenues les images di u casgiu merzu (fromage aux asticots) que l’on posait naguère sur la table à la fin du repas. Un fromage conservé dans une marmite ou dans une terrine avec le couvercle afin que les asticots ne s’évadent trop tôt. Une croûte dure, ramollie et ravagée par endroits comme un paysage lunaire crevassé, une pâte astringente qui vous déménageait parodonte, langue et palais sans ménager l’estomac. Mais quel plaisir de sentir la vie qui se manifestait dans l’appareil digestif depuis le vestibule jusqu’à la sortie… On aurait dit que les asticots faisaient la foire, ou plutôt la fête pour encourager la dégustation. Ils se contorsionnaient, puis comme des ressorts qui se dépliaient soudainement, faisaient les acrobates dont les prouesses finissaient dans la bouchée. Parfois, durant la nuit, la marmite était placée sur le bord de la fenêtre sans couvercle. Les joyeux lurons se défenestraient sans se méfier à force de gigoter et de jouer les élastiques. Le lendemain, il ne restait plus qu’une pâte à tartiner dont, seuls, ceux au palais largement entraîné osaient se délecter avant la sieste. Durant la méridienne tout le carpe diem de l’incontrôlable épicurien se manifestait dans des ronflements comparables au ronronnement d’une vieille Rosalie garée à côté d’un bar ou d’un camion à bout de souffle, le moteur encore en marche. Parfois, un léger vrombissement s’emballait suivi de quelques « pou pou » entre les lèvres closes, en imitant l’éclatement amorti des bulles de vapeur d’une polenta frémissante. Jeux de langue, de glotte et de voile palatal prenaient le relais pour finir la chanson fromagère…

Basta ! Mi sogu campu cu un pezzu di casgiu ! (Je me suis régalé, et bien plus, avec un morceau de fromage !)

Voilà bien, une nouvelle fois, la preuve de mon épicurisme, de mon amour pour la vie. Je n’en rate pas une, quitte à filer plus vite vers la fin. Ciarbedda ! dit-on dans nos quartiers. (Littéralement « Cervelle ! » qui ne veut rien dire en français)

Je n’ai aucun goût pour la pub, je voulais simplement partager mon plaisir, essayez donc ce divin fromage et vous m’en direz des nouvelles !

Evidemment, « Casanu » c’est pour la réclame, il ne serait pas de facture maison mais comme à la maison, dit-on… Il m’a fait rêver un peu et m’a inspiré ce texte, c’est déjà pas mal. N’est-ce pas ?

Ce récit à réveiller un asticot vaut bien un morceau de fromage, sans doute !

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