Jardins.

Les images que vous verrez, ne datent pas d’aujourd’hui. L’année a été désastreuse pour les jardins traditionnels qui ont subi de très fortes pluies. Une météo inhabituelle, calamiteuse pour les potagers.

Les tomates n’ont pas résisté au mildiou, une attaque fongique (champignons) quasiment fatale pour les plants. La maladie qui se déclare généralement sur le feuillage se propage à la tige qui noircit puis se nécrose. D’ailleurs, cette dernière devient cassante comme du verre, si l’on cherche à la tuteurer, elle rompt à la moindre torsion ou pliure légère. Tac ! Par surprise. Ce qui signifie que la plante est fichue. On a beau supprimer les feuilles atteintes, la maladie repart ailleurs. Dès que les spores sont disséminées, elles produisent moisissure sans relâche. Une année catastrophique, seuls les pieds greffés ont résisté tant bien que mal avec une production minimale et famélique. Des tomates méconnaissables, des cœurs de bœuf devenus cœurs de lapin, les super steaks, d’ordinaire très grosses tomates, vous trompent sur la variété pourtant facile à reconnaître. Bon, c’est ainsi, espérons que cela ira mieux l’année prochaine. Il faudra s’adapter et planter plus tard si le climat a définitivement viré.

C’est avec une pointe de nostalgie que j’ai recherché les images qui illustrent ce texte.
Il n’y a pas si longtemps, nos aïeux cultivaient parfois même à genou. Dans les quartiers, chaque maison avait son potager. J’ai dû raconter cela de nombreuses fois avec force détails. Aujourd’hui, vous pouvez traverser le village, les temps présents ont favorisé l’abandon. Inutile de revenir sur les raisons, elles ont été évoquées à maintes reprises.

Il y a quatre ans, je parcourais les villages périphériques, hors de la route principale, en quête d’images et d’idées d’écriture. J’ai rencontré quelques personnes, toutes âgées ou très âgées qui n’imaginent pas continuer à vivre sans jardiner. Le travail de la terre est leur raison d’exister par une sorte de production potagère au pied de la maison. C’est leur géant Casino. Que dis-je ? Un mot affreux qui dénature leur art de vivre.

J’ai rencontré Jean Camille que j’ai connu à l’école du village. Il a gardé ses traits, je n’ai eu aucun mal à le reconnaître. Il se méfiait du touriste qui photographiait à tout va. Il s’était tapi derrière un roncier pour m’observer, et ne sortit de sa cachette que lorsque je l’ai appelé par son prénom. Il a cherché à m’identifier sans y parvenir, j’ai dû décliner mon nom. Là, totalement rassuré, il s’est lâché, s’épanchant largement sur son mode de vie. A ce moment de l’année, son petit village est encore désert, il souriait à l’idée d’épater les estivants villageois partis se réfugier à la ville. Il est partageur et aime faire plaisir. Que vouliez-vous qu’il fît de cette culture généreuse, abondante et saine, pleine de promesses ?
Il vit seul désormais et trouve les hivers longs, chargés de solitude, chaque jour infligeant le bourdon dès le crépuscule tombé. « Tant pis, je suis né ici et je mourrai ici !» lança-t-il me fixant du regard entre résolution et fatalité.

Je n’avais pas encore photographié son jardin. Il m’a invité à chercher le meilleur angle, depuis la route ce n’était point l’idéal… Je sentais poindre dans son âme paysanne et modeste toute la fierté de l’homme fruste* de nos campagnes en bordure de maquis. En le quittant dans un dernier salut, j’ai eu l’impression de le laisser à l’abandon. Il avait l’habitude de converser tout seul, je crois qu’il reprit très vite ses réflexes robinsonniens.

Je ne sais pas pourquoi, mais je suis plein d’espoir. Il me semble, contrairement à tout ce que l’on entend, que les jeunes pousses de la prochaine génération vont retourner dans les jardins. Je comprends cela comme un phénomène cyclique. La vie trépidante dans laquelle l’homme devient une marionnette plus qu’un acteur agissant, atteindra ses limites d’inconséquence. Je crois que le bonheur rebondira de nouveau dans les prés et les jardins.

Si l’homme possède encore une once de bon sens, sa conscience n’ira pas jusqu’à ruine de l’âme.

Les joyeux ricochets ne durent qu’un temps, aux générations futures d’assumer leurs modes de vie.

*Frustre=Saviez-vous que ce mot est un barbarisme ? Mélange de « fruste » (usé) et « rustre » (grossier, brutal, rude). C’est ce mot que j’avais écrit en premier avant de revenir à « fruste », en corse « frustu » = usé.

Cliquez sur les images.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Deux autres jardins.

 

 

 

 

 

 

 

 

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