Beau temps dans le maussade.

Une grive sur le chemin.
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Aujourd’hui, le temps est en rogne. Pluie, parfois battante sous les rafales du vent, parfois crachin, des fines aiguilles succèdent aux hallebardes. Le brouillard monte de la vallée, un souffle soudain le ballote, le tire et le retire comme un rideau diaphane qui joue avec la colline juste en face de ma fenêtre. On dirait que la météo s’amuse ou vérifie si toutes ses composantes sont bien au point, bien huilées, si tout fonctionne comme il se doit avant d’entrer dans l’hiver tout proche. Bref, ce n’est pas un temps à mettre un Kodak dehors. Dans l’âtre les flammes dansent comme au vieux temps. Les braises se ravivent à la faveur d’un souffle qui gronde dans le conduit de la cheminée et vient balayer la cendre superficielle qui semblait endormir le foyer. Une incandescence soudaine, une gerbe d’étincelles et la petite follette devient bleue, s’allonge, « s’orangit », lèche l’écorce voisine, la fume puis l’enflamme… rien n’a changé dans la cheminée, hier et aujourd’hui se ressemblent.

Le soleil a disparu pour la journée. Il cherche une fenêtre là-bas dans un autre lointain. Demain, après-demain, lorsqu’il voudra, il reviendra.

Par temps mauvais, j’ai pris l’habitude de jouer à cache-cache avec les oiseaux, tapi derrière le rideau de ma fenêtre. Il y a deux jours, c’était la grive qui donnait spectacle. Nous avons bavardé du regard, longtemps. Elle semblait rassurée derrière le grillage, allait et venait le long du muret, disparaissait et réapparaissait jetant un œil vers la fenêtre. Elle trottait menu mais d’un pas alerte, légère en maraude. Elle sautillait, piochait une graine ou quelque vermisseau remonté à la surface avec la forte humidité. De sa patte preste, elle gratte et chasse les feuilles mouillées laissant la place griffée, légèrement labourée. Elle sait que sous les limbes brunis par l’automne finissant se cache une limace, peut-être un lombric en quête d’humidité. Son dos couleur broussaille la fond dans le paysage. Pour la photo, elle gonfle son poitrail blanc largement moucheté de taches sombres. Elle se présente presque hautaine, le cou dressé. On dirait qu’elle se pavane en affichant sa livrée piquetée.

Aujourd’hui, rien. Le coin est désert. Seul, un rouge-gorge sédentarisé passe à la sauvette voir si par hasard… C’est un habitué des lieux qui préfère le temps des labours. Nous avons bien des souvenirs communs…

Je me suis souvenu d’un merle facétieux. J’avais l’impression qu’il conversait avec moi :
-Tu as quelques minutes ? Passe de l’autre côté, il y a une belle flaque, je vais te montrer quelques figures de natation.

De temps en temps, il jetait un regard vers ma fenêtre pour vérifier si j’étais bien à mon poste. Très joueur, il adore qu’on l’admire dans ses facéties aquatiques. Alors, il plongeait, esquissait un crawl, une nage papillon, parfois une brasse. Puis relevant son poitrail de jais, bec et tête hauts, on aurait dit une barque légère glissant sur un plan d’eau. Il pagayait tantôt à droite, tantôt à gauche et progressait dans sa mare comme un esquimau sur son canoé. Je crois que le spectacle a duré une bonne demi-heure. A aucun moment, il n’a semblé gêné par ma présence. Bien au contraire, je devinais ses commentaires, ses interrogations :

– Ça te va ainsi ou je recommence ? La prise est bonne ? La prochaine fois, je tenterai le dos ! Pas mal, non ? Et si tu nous voyais en gym synchronisée avec merlette…

Je ne disais rien, trop absorbé à ne rien rater de ce magique ballet. C’était lui le chef. Moi, son seul public.

Il y a des moments bénis. On regarde et on se tait pour ne perdre miette. J’ai pris cinquante-deux clichés à travers la vitre, tous exploitables. En voici quelques figures en fin de texte.

Je peux rester ainsi, parfois une heure et plus, planté devant un spectacle de la nature. Il m’est arrivé de guetter une araignée courge pendant un très long moment. Un syrphe (mouche qui ressemble à une abeille) s’est pris dans la toile et j’ai découvert la prédation…

Les jours maussades sont des jours heureux pour qui plonge dans la joie de vivre sans se soucier d’un futur où se planquent les mauvais esprits.

 

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