PTH 3.

Le deuxième jour fut le plus calme du séjour. Encore sous l’effet des antidouleurs, je n’imaginais pas ce qui m’attendait les jours suivants.

La matinée commença en fanfare. Un grand monsieur sec, noir corbeau est rentré dans ma chambre avec un bonjour tonitruant et presque tambourinant chaque mot. C’était le kiné qui n’avait pas une minute à perdre, d’autres éclopés l’attendaient dans toutes ces chambres pleines à craquer.

coLe troisième jour, moins de 72 h après l’intervention.
Ma première victoire.

 

Ça commença par un « Allez, il faut se lever ! » Vous imaginez ma surprise, entravé comme j’étais. Les poches de perfusions sur ma gauche, celle du drain sur ma droite. Il n’y a pas meilleure condition pour faire de la gymnastique matinale. Il me regardait faire mais je ne faisais pas grand-chose. Bouger ma jambe opérée ne me paraissait pas possible si tôt, l’appréhension était plus forte que moi. Ma femme a tenté quelques fois de voler à mon secours, rien à faire, il l’écartait du bras sans mot dire, en ne me quittant pas des yeux. Après toutes les indications d’usage, j’ai fini par mettre pied à terre puis faire mon premier marathon post PTH, jusqu’à la porte. Une sensation bizarre, pas de douleur et debout moins de vingt-quatre heures après l’opération, seulement. Il avait pris l’attitude d’un sergent-chef impitoyable : «  Allez ! Allez ! Allez ! Une deux ! Une deux ! Poussez ! Poussez ! Appuyez ! Appuyez ! Allez béquilles ! Les déambulateurs c’est pour les vieux ! Il ne semblait connaître que ces mots pour vous plonger dans vos derniers retranchements. J’ai compris les jours suivants que ce n’était qu’une posture de façade pour les besoins du métier. Le garçon était tout autre, plein d’humour lorsque le temps n’était plus à l’ouvrage. Le lendemain, grâce à ses injonctions, j’ai remporté ma première course de déambulateurs dans le couloir interminable. J’ai plongé sur la ligne d’arrivée, largement détaché, à quelques longueurs du deuxième, sous les acclamations chaleureuses d’un public massé le long du mur… Au fait, il n’y avait personne, le couloir était désert, mon imagination se chargeait de peupler et d’animer tout un monde.

Il me demanda de m’asseoir sur une chaise en m’indiquant la bonne technique et m’annonça que deux personnes viendraient me faire la toilette.

La séance de la toilette peut être un passage cocasse. Généralement on a à faire à des expertes, enfermées dans une déontologie stricte mais cela n’empêche pas la dérision pour détendre l’atmosphère. Deux jeunes femmes charmantes se sont présentées et la mienne dû quitter les lieux séance tenante. J’étais empêtré dans mes durites les unes à conduction rentrante et l’autre à vidange pour désencombrer la plaie. Dans cet état, il n’était pas question d’envisager la fuite. Parfois, on imagine facilement un scenario pour un film comique dans le genre «  Les Charlots » . Si quelqu’un veut passer commande, je peux l’écrire sans difficulté, je me charge des finesses pour ne pas sombrer dans les grosses ficelles. La « toiletteuse » observatrice- je pense qu’elles ont jugé que je n’étais pas suffisamment « éléphant » pour intervenir à deux- regardait fixement. Je me demandais, si débutante, elle n’était pas en prise avec la gêne. Parfois, elle me semblait au bord de l’éclat de rire. Bloquée en tous cas. Elle s’est peut-être réservée pour après, dans le couloir, comme un soulagement. Si ce fut le cas, je suis content d’avoir été l’objet « d’una risata » (éclat de rire).

Le plus étonnant était que la personne active ressemblait à s’y méprendre à une de mes anciennes élèves qui exerce son métier dans un milieu similaire. En revenant dans la chambre, ma femme fit la même remarque, la personne était au courant. Et là vous allez être surpris, nous jetâmes un regard sur son badge, elle portait le même prénom et la même initiale du patronyme. De quoi faire rêver les amateurs de signes. Je ne suis qu’un pauvre amateur de coïncidences bien capable d’en imaginer… C’est comme ça.

N’allez pas croire que tout baignait définitivement dans une piscine d’eau douce et tiède. Je n’allais pas tarder à boire la tasse, la grosse tasse. Mais pour le savoir, il faudra patienter jusqu’à demain.

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