Un quidam dans le mauvais temps.

La journée était morose. La météo avait annoncé le déluge. Chacun se préparait à vivre un jour exécrable.

Il n’en fut rien ou si peu, point de déluge, juste Eole en pétard. Les nuages voyageaient en désordre et semblaient se télescoper comme si le vent avait perdu le sens de l’orientation. Des bourrasques venaient tantôt de la mer, tournaient à l’ouest puis dévalaient la montagne dans mon dos. J’avais tenté l’aventure, l’air traînait une humidité tiède. Je ne ressentais pas ce frisquet qui faisait frissonner les rares passants qui s’étaient hasardés jusque là. La tête basse, le pas accéléré, ils n’avaient pas l’intention de s’attarder par ici.

dsc_8691Je me trouvais seul sur la grève à surveiller le jeu des vagues. Elles prenaient un long élan, s’embarquaient sur un rouleau et venaient percuter le mur de la maison aux volets rouges. Inlassablement comme une mécanique programmée à détruire le crépi avant de s’attaquer à la structure de pierre. La mer prend son temps. Un jour viendra, les coups de boutoir feront leur effet. Les gifles répétées, les poignées de sable projetées à la volée et les morsures de l’eau salée grignotent sans relâche la façade qui regarde le large. Les nuits de mer démontée, il doit être difficile de trouver le sommeil quand les vagues cognent sur les volets. Je suis dans cette chambre dans l’obscurité totale et me frictionne de frissons en écoutant l’inquiétante musique des vagues en furie. Une insécurité permanente jusqu’à imaginer une folle rafale qui secoue les fenêtres…

dsc_8723Planté avec mon appareil photo pour saisir les mouvements de la mer, je suis démasqué. Des embruns latéraux que je pensais éviter s’échouent juste sur moi comme une mise en garde. L’endroit est désert, je m’inquiète : me suis-je aventuré trop loin ? J’ai perdu la conscience du danger, des vagues viennent mourir à mes pieds, parfois menaçantes en signe d’avertissement.

Derrière moi, les barques amarrées dansent vivement sur place. Au bout de la jetée, au pied de la tour à la ruine bien avancée, des gros rochers brisent les vagues qui s’écrasent et éclatent en bouillie de bulles blanches. Une gerbe mousseuse imite la neige carbonique en étalant son écume, un instant caressant les blocs puis s’étale et coule entre les pierres. Un va et vient incessant, la houle cogne puis se retire dans un ressac pour frapper à nouveau. Un repli qui cherche un second souffle, se gonfle et recogne. C’est la mer dans un de ses jours de mauvaise humeur.

dsc_8698Déjà, le soleil décline à l’horizon masqué par un rideau nuageux. Sa lumière est faiblarde et la nuit ne va pas tarder à tomber. Les rochers qui émergent de la mer s’assombrissent, l’obscurité s’installe dans l’eau. J’imagine la nuit sous-marine froide, glauque, vitreuse. Un corps à la dérive totalement impuissant livré au courant qui le ballote, l’accroche à un roc puis vient le reprendre, le pousse plus loin et le ramène machinalement dans un abri de hasard. Comme un enfant, je joue à me faire peur.

La lumière couche sur les galets sa palette de couleurs du soir. Je suis là, seul, faisant mon plein d’émotions, de contrastes. Bientôt, je vais quitter la grève pour retrouver les sensations inverses qui se seront enrichies de l’épisode venteux, humide et sombre.

Tout redeviendra calme et douceur, puis tiédeur et lumière. Ce sera plus facile de s’inventer un paradis.

dsc_8695 dsc_8697-003Cliquer sur les images.

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