Perdu dans le foin. C’est de cet endroit que nous devisions.
Cliquez sur les images.
Une journée toute simple pourtant. Rien de transcendant et c’est justement pour cela qu’elle fut belle.
Ce matin, c’était jour de ramonage à la maison. Depuis que l’insert est installé, plus de cent vingt-cinq kilos, je ne peux plus faire le travail tout seul car il faut déposer l’appareil à l’extérieur de la cheminée. C’est ainsi, un système sans conduit. De bon matin, ils étaient là sachant déjà comment procéder. Lorsque je suis allé les saluer, ils avaient déjà sorti la cassette et l’ami Louis s’apprêtait à actionner le hérisson dans la cheminée. Quelques instants plus tard, l’un ramonait, l’autre était au jardin pour prospecter et se projeter dans les prochaines plantations. Quelques minutes plus tard, Ange inspectait les tuiles de la cave en prévision de fortes averses annoncées pour demain. Bref, du banal.
De la simplicité. Pas besoin d’instructions, d’inspections, de surveillance, tout allait de soi et à aucun moment, je n’eus le souci de vérifier quoi que ce soit. J’avais juste à m’occuper de la cuisine. Une entrée avec du pain grillé, aillé par frottement, agrémenté de quelques tranches des dernières tomates qui attendaient au jardin. Des œufs durs dont la partie débarrassée du jaune était garnie d’une compotée d’oignons au coulis de tomates, une pincée de curry, des anchois et un filet d’huile d’olive par-dessus l’échantillonnage. Une entrée inspirée par ce qui me restait au frigo. Le « lapin simonotte » mijotait. Ni gibelotte, ni chasseur, ni au vin blanc ou moutarde, c’était encore un mélange improvisé sans dénomination précise. De la panzetta, des olives vertes, des champignons de Paris, des tomates, du romarin, un classique finalement. Les cuisses et râbles semblaient s’accommoder des poupoutements d’une cuisson lente. Un peu de riz blanc et le tour était joué.
A l’apéro qui est venu naturellement sans rabattage une fois tout remis en place, les discussions allaient bon train. Un train qui s’accélérait un peu plus à mesure que les verres se vidaient. Non, nous ne refaisions pas le monde, nous mesurions le bonheur d’être ici ensemble à vivre des instants de vie ordinaire et d’entraide. Sans aller sur le terrain car le plan des lieux est bien imprimé dans nos têtes, on envisageait les prochaines plantations et transplantations. Là, le pommier reine des reinettes, ici le figuier qui a pris racines dans un endroit trop ombragé. Le kaki pomme a tenu bon et a franchi le cap de la sécheresse. Le petit noyer, presque invisible dans les herbes sèches, s’est fait oublier mais semble décidé à prendre force. Ses feuilles, cinq seulement, sont encore vertes et affichent bonne santé. Tout va bien.
Nous devisions comme des petits vieux, que nous sommes, en nous projetant dans le futur. Rendez-vous compte, le noyer ne sera productif que dans une quinzaine d’années, au mieux dans douze ans. C’est un noyer qui a poussé dans une fissure de la tombe de mon père. C’est Ange qui l’a planté dans mon jardin en disant : « Voilà, c’est ton père qui m’a soufflé- Il sera bien mieux dans le jardin de mon fil- » Apparemment, il semble se plaire chez moi. C’est encore un bébé puisqu’il fut transplanté il y a tout juste un an, alors qu’il émergeait du cerneau à peine sorti de son berceau en coque de noix.
A plusieurs reprises, nous avons marqué un temps d’arrêt pour savourer cette amitié qui se jouait simplement. Nous avions l’impression d’être dans le temps d’avant lorsque nos parents et grands-parents parlaient d’avenir. De jardins, de terre, de légumes et de fruits. Jamais un château en Espagne ou ailleurs ne nous traversait l’esprit. Notre fantaisie se nourrit de caresses de vie et non d’utopies. Avec nos discours et nos projets imaginaires, nous allions par les chemins encore, par jardins, par sentiers odorants… Nous voyagions dans la vie. Des rêves joyeux qui ne souffraient du moindre doute, dire et parler suffisaient à notre bonheur. Y croire venait sans effort dans l’ordre des choses… Ni pipe, ni chapeau, pas de canne pour l’instant, mais des visages vieillissants, souriants de jeunesse, l’esprit vif et de l’espoir plein les mots.
Sans doute nous reste-t-il encore un bon bout de chemin. Nous étions des gamins remplis de projets en oubliant notre âge et nos limites d’aujourd’hui. Je crois que c’est cela vivre avec l’envie de produire toujours puis laisser une trace à nos descendants en espérant qu’un jour, lorsqu’ils seront petits vieux, ils souriront à la vie en évoquant des projets d’avenir. J’espère qu’ils garderont une âme pleine de joie, de bonté et d’envie de vie.
Aujourd’hui, ce fut une journée magnifique, le soleil était avec nous.
Fontaines qui ressemblent à nos rêves.
En cadeau d’après lecture, voici une recette de lapin que vous referez certainement. Un peu grasse mais une fois de temps en temps ça passe. C’est la recette du « lapin paquets ».
Couper les morceaux de manière classique. Inciser largement les muscles et les râbles et les farcir du mélange que voici. Du beurre pommade, des échalotes ciselées, de la moutarde à l’estragon, salez, poivrez, mélangez et fourrez dans les incisions. (Je procède à vue pour les quantités) Barder les morceaux avec des tranches fines de panzetta en insérant une demi-feuille de laurier. (2 bardes par morceau). Etalez une macédoine de légumes en boîte, ou fraîche, dans un plat qui va au four, placez les morceaux de lapin dessus et enfournez pour une petite heure entre 180 à 200 °c. A vous de voir d’après votre four, la viande doit présenter un léger croustillant, même un peu prononcé ça ira. Vous verrez, de la sorte, le lapin au four n’est jamais sec et le fondant d’échalote mêlé à la panzetta croustillante fera le reste.