Par monts et par vaux, ici et maintenant mais naguère souvent aussi.
Par ces chemins à raser les genêts…
Je me souviens, alors que je courais le maquis avec légèreté, avoir entrainé avec moi ma jeune épouse dans un long parcours de pêche par des endroits très escarpés parfois dangereux. Notre première rencontre matinale dans un chemin étroit entre genêts et bruyère qui formaient un tunnel, nous la fîmes avec un taureau qui remontait le même chemin. Un face à face angoissant de quelques secondes qui parurent des minutes interminables. La corne basse, menaçante, le regard lourd et puis, l’animal d’habitude fulminant a tourné la tête pour s’engager dans un passage parmi les arbousiers qui se trouvaient sur sa gauche. Une chance inouïe et une belle frayeur vite oubliée car je savais qu’on ne reviendrait plus par là au retour. Les premiers rayons de soleil rasaient les rapides du fleuve en projetant des éclats d’argent. Une lumière encore froide à cette heure matinale. Les feuilles des aulnes glutineux frémissaient sous la brise frisquette qui remontait le cours d’eau. La journée s’annonçait belle mais les frissons de la nuit n’avaient pas encore déserté les lieux. Le soleil semblait en phase d’allumage et se préparait à jeter ses premières bouffées de chaleur. Annie, en veste militaire kaki tremblait sous ses vêtements inadaptés pour la température aurorale d’un fond de vallée. Dans quelques heures ce sera une autre histoire, le coton serré résistant aux ronces deviendra une étuve, il faudra endurer une autre épreuve. Elle n’avait jamais vécu un contraste aussi fort entre froid pénétrant et chaleur étouffante. Une école à laquelle je m’étais largement formé. Nous nous sommes arrêtés sur un rocher bien éclairé par des rayons qui profitaient d’une trouée dans les arbres pour arriver jusque-là. C’était le moment de se réchauffer en buvant un café gardé à température dans un thermos que je portais dans la musette. Ce fut l’occasion d’attraper ma première truite du jour. Annie découvrait la prise au toc avec un lombric au bout de l’hameçon. J’étais fier de partager mes moments plaisirs avec elle.
Le coup d’envoi était donné, peut-être est-ce le moment… J’ai filé quelques pas pour atteindre une coulée qui semblait me faire des signes. Je venais juste de m’engager entre deux rochers lorsqu’un cri à vous glacer les sangs me figea sur place. Dans un réflexe aussi rapide que l’éclair, j’ai jeté la musette et la canne. Annie était paralysée comme foudroyée debout. Une couleuvre, sans doute perchée sur une branche, venait de chuter sur elle comme si elle profitait de son épaule pour amortir sa cascade. Un effet à terrasser un ophidiophobe* surpris par cette rencontre, de la sorte, hautement improbable. Après cette émotion et la perte du vase de Dewar (thermos) qui n’avait pas résisté au choc contre un roc, il restait un long parcours sous un soleil de plomb et de nombreux raidillons. Nous sommes arrivés chez nous vers seize heures après douze de marche. Ce fut la première et la dernière partie de pêche dans la rivière qui traverse la vallée d’Archigna pour ma compagne. Le visage rougi par un coup de soleil, les jambes griffées par les ronces, Annie a dû refaire le parcours dans ses rêves lorsqu’elle s’est endormie sous l’effet narcoleptique d’une fatigue exténuante.