Tartarin des Mureaux. (Suite)

Certains se souviendront du premier texte, j’y reviens ici pour évoquer ma démarche qui, après coup, m’a semblé être la bonne.

Rappel.
Tartarin, c’est ainsi que je l’avais surnommé juste pour mes notes personnelles, sans en parler à personne, était un petit garçon largué, totalement perdu dans sa classe et dans sa vie ordinaire.
La maîtresse accablée de problèmes personnels avait renoncé à s’intéresser à lui. Il était à la dérive et s’était inventé un personnage pour épater la galerie. Il se perdait en extravagances, dans des délires abracadabrantesques, s’était créé un personnage croyant se donner une certaine importance aux yeux de ses camarades.
Il avait l’air joyeux, un faux air qui masquait sa dérive.

Lorsque je l’ai rencontré la première fois, presque de manière fortuite puisque ce n’était pas une demande dûment formulée par l’enseignante, il s’est lancé dans un récit totalement invraisemblable.
Je n’ai rien dit et l’ai laissé s’exprimer pour voir jusqu’où il pouvait s’aventurer.
Il me racontait ses chasses épiques aux lions et aux éléphants qu’il attrapait par la queue et faisait tournoyer au-dessus de sa tête avant de les lâcher pour qu’ils s’écrasent contre des rochers.
Je n’ai pas réfléchi à une quelconque approche, je me suis contenté de l’écouter en me montrant étonné, presque admiratif, devant tant de courage.
J’étais entré dans son jeu, le poussant même à tout me livrer de son immense hardiesse, si peu commune. Je saluais ses exploits.
Dans un premier temps, il s’en est donné à cœur joie, en faisait des tonnes et aurait même enterré des dinosaures si je l’avais interrogé à ce sujet. Bref, on pouvait monter une bande dessinée totalement déjantée, suffisamment comique pour amuser toute la jeunesse.
Les adultes l’arrêtaient net, personne ne lui laissait dire un mot de plus, on le traitait de fou.
D’emblée, j’avais détecté qu’il se valorisait ainsi pour attirer l’attention, quitte divaguer totalement.

J’avais agi à l’inverse de tous les adultes de l’école qui le connaissaient par cœur et l’avait définitivement catalogué irrécupérable.
La comédie a duré deux séances. A la troisième, il me regardait d’un drôle d’air, intrigué sur ma crédulité, était-ce du lard ou du cochon ?
A partir du moment où il m’a demandé si je le croyais vraiment, j’ai changé de stratégie pour entrer dans le réel. Nous avons pu parler plus franchement, il m’avoua qu’il racontait n’importe quoi pour se donner une valeur aux yeux de tous. Je prenais chaque mot au vol et nous cheminions les pieds sur terre.
C’est lui qui m’a demandé de lui apprendre à lire et que je le fasse écrire.
Il n’avait plus de livre, plus de stylo et passait une bonne partie de ses journées sous le bureau de la maîtresse, entre ses jambes. Un bureau dont l’avant était occulté, personne ne le voyait.

Cet enfant a appris à lire et à écrire suffisamment pour provoquer une réaction de son enseignante.
Sans doute prise remords, envahie par la honte, elle s’est intéressée à lui, l’a intégré dans le groupe classe.
Elle venait de réaliser qu’il n’était point irrécupérable.
Le gamin a suivi une scolarité ordinaire dans le niveau bas de la classe. Il avait pris trop de retard mais n’attira plus l’attention avec des fariboles plus grosses que lui, n’étonna plus personne.


Je me souviens parfaitement de ce petit personnage, tout menu, fragile, téméraire dans les dires, aux yeux malicieux remplis de rêves fous…
J’ignore ce qu’il est devenu.

A l’écouter, il m’aurait mis en cage à Medrano...

2 Comments

  1. Bonsoir Simon,
    Alors que mon blog demeure à l’arrêt, après un long arrêt-maladie, je constate que je reçois à nouveau vos articles pétillants qui m’entraînent, sans champagne, dans un univers si singulier, entre rêve et réalité.
    Merci pour ce joli voyage en pays de sagesse. 🙂
    S’agit-il réellement du « 1er de vos derniers articles » ?
    Ce serait bien dommage pour la communauté de blogueurs qui, certes, a été réduite à peau de chagrin mais….
    De mon côté, je suis incitée par la psychologue, conseillère en évolution professionnelle, qui m’accompagne, ainsi que Malyloup (« observer la vie »), avec qui j’échange désormais sur whatsapp de manière plus authentique, sans me cacher derrière le masque de CuriousCat, à retrouver le chemin de l’écriture pour sortir de mon isolement et retrouver le plaisir du partage.
    Bonne soirée sur votre belle île que j’espère pouvoir découvrir un jour, même si pour l’instant les propositions des agences de tourisme sont vraiment trop onéreuses. 😉
    Belle soirée Simonu.
    Catherine

    1. Bonjour Catherine,
      Je chemine encore, un long parcours qui traîne ses pas vieillissants sur sa dernière ligne droite.
      Ce blog comporte environ 3250 textes que je perdrai sans doute à la clôture de mon aventure sur le net.
      A ce jour, trois livres publiés, deux autres à venir et je tire ma révérence.
      Je complète mes sourires par des expos photos (5 déjà vues et 2 autres en préparation pour l’été et l’automne prochain)
      Je vous remercie d’avoir fait un saut par ici, je vous souhaite toute la sérénité du monde, retourner le temps du côté « La vie est belle » est la meilleure manière de gambader à nouveau dans la joie de vivre.
      C’est simple à dire mais je ne vois pas d’autres solutions que cette vision des choses en brouillant, oubliant, c’est encore mieux, toute encombre ou entrave aux sautillements joyeux !
      Je ne creuse plus depuis belle lurette, le temps est trop précieux pour chercher à comprendre ce qui au fond n’est jamais certain. Certes, on peut y trouver intérêt…
      Bonne journée Catherine.

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