Pour avoir passé plus d’un quart de siècle auprès d’enfants en difficulté ou non, j’ai sans doute appris quelque chose.
Les parents font des enfants et ne sont responsables de rien. Procréer suffit à leur bonheur.
Aujourd’hui c’est la société qui a pris le pas sur la famille et seule son image sert de référence.
On a passé le stade où les parents avaient une influence sur leur progéniture.
L’enfant finit toujours par se calquer sur le modèle pratiqué en société même si l’influence parentale semble forte, sauf à s’isoler comme les mormons pour échapper à toute contamination extérieure. Même chez les mormons ça ne marche plus, les enfants cherchent à connaitre l’ailleurs, avec les portables leur intimité n’est plus assurée.
Dans les années 70, j’ai connu une petite fille – elle n’était pas la seule – qui n’avait aucun repère familial, ses tontons qui la gavaient de bonbons étaient les clients de sa mère, assidus aux rendez-vous galants. Enfin, galants ou pas, ils passaient souvent la voir. La fillette avait beaucoup de tontons et les adorait tous tant ils se montraient généreux avec elle, en sucreries, pour qu’elle reste tranquille dans la pièce d’à côté. C’était la surprime à payer, jamais ils n’arrivaient sans le sachet de friandises pour avoir paix et loisir dans le plaisir.
La gamine, perdue dans sa tête, avait de drôles de repères familiaux, comment vouliez vous qu’elle s’en sortît ?
Plus simplement, aujourd’hui, j’annonçais presque triomphalement :
– Pour midi, je fais de la purée !
Je fus très surpris qu’une de mes petites filles réponde :
– Pas pour moi, je préfère la mousseline.
Je lui ai expliqué la différence entre naturel et frelaté. On me faisait les gros yeux pour que je ne la dérange pas. On ne dérange plus les enfants même s’ils sont plus solides que nous.
Difficile de me poser une muselière, personne ne m’interdira de dire ce que je pense. Bref !
J’ai demandé à la petite fille de m’écrire sur un bout de papier : « des morceaux ». Ce qu’elle fit parfaitement.
Dessous j’ai noté : « des morços » en disant, « Dans une pub, quelqu’un présentait une purée de grand-mère avec des morços ! »
Elle a souri, puis me voyant filer à la cuisine, me suivit et me demanda si elle pouvait m’aider à la faire avec des morços. J’ai commencé, elle a fini.
Arrivés à table, elle a mangé la purée de missiau comme tout le monde, sans faire aucun commentaire.
Evidemment, je ne crois pas une seconde que l’exception qui confirme la règle, l’infirme.
On ne trompe pas le monde avec des subterfuges, mais bon, on avance un peu dans le giron.
Je crois que nous sommes Quick puisque Mac Do aussi a pris le pas culinaire sur nous.
L’air du temps multicolore supplante celui de la bucolique campagne !
Le lointain prend le pas sur le proche, il suffit de se référer aux Aïe Phones qui vous font converser avec l’ailleurs en oubliant ceux qui sont à vos côtés.
On avance avec le progrès certes, mais on recule aussi. Rien ne se créé sans effets pervers, c’est le lot de toute « avancée », jamais totalement linéaire.
Comme en dansant, un pas en avant suivi de deux en arrière ou vice versa.
Les vieux schnocks de ma trempe devront se soumettre ou se démettre, c’est ainsi.
Après nous, il ne restera plus trace de l’ancien temps mais il n’est pas interdit de penser qu’on y reviendra peut-être un jour en croyant faire une découverte ou par lassitude.
Ainsi se comporte le balancier de la vie, allant d’un extrême à l’autre sans conscience de son « va et vient » presque rituel…
Image en titre : Un câlin pour me faire pardonner 😉