Une étrange rencontre.

L’invitation fut également étrange.
Une sorte de rendez-vous proposé de manière originale, très surprenante.
Je descendais au jardin qui se trouve en contrebas de ma maison, lorsque j’aperçois au bout d’un tuteur de pied de tomate, une sorte de drapeau blanc flottant vaguement au petit vent. Cela m’a paru bizarre, je n’avais rien posé qui ressemble à une bannière. Intrigué, je me suis approché et j’ai pu lire la mention suivante :
« Ne cherche pas à comprendre, tu comprendras en venant à ma rencontre, je t’attends sur le grand rocher de Cacareddu à douze heures tapantes. »

Je connaissais ce rocher, je jouais dans cet endroit lorsque j’étais petit garçon.
Je suis resté un bon moment avec ce surprenant message à la main, je cherchais à comprendre, en vain. Cette personne fréquentait le lieu et savait mon histoire, sans doute, je n’avais aucune idée de son identité.

La journée était caniculaire de bon matin. La chaleur arrivait par vagues successives convoyées par une brise déjà très tiède pour un début de matinée. L’attente fut longue.

En gravissant la colline de Cacareddu, je visais l’endroit indiqué, le maquis avait envahi la partie basse recouverte de châtaigniers, une haute végétation inhabituelle ici. Le rocher était masqué, je ne pouvais voir la personne qui m’attendait qu’au dernier moment.
Je me suis arrêté net en apercevant un personnage tout de blanc vêtu, totalement glabre.
Etait-ce une femme, un homme ? Le genre était incertain.

– Ah te voilà ! me dit la voix, à la fois douce et bien affirmée.
Une voix modulée sur l’aigu/grave, un énigmatique timbre que je n’avais jamais entendu.
– Alors tu as une idée ? Tu me reconnais ?
– Non, je ne vois pas du tout qui vous êtes, aucune idée.
– Je suis Dieu. Tu vois, il fait très chaud, j’ai poussé le chauffage solaire, personne ne s’aventurera dans les parages, personne ne nous verra.
J’étais presque pétrifié, à la fois incrédule, pensant à une supercherie, et convaincu que cet être bizarre disait vrai.
– Tu ne dis rien ?
– Si tu es Dieu, je n’ai rien à dire, tu sais déjà quels seront mes mots, j’attends la suite.
– Bien répondu, je savais que tu répondrais ainsi. Tu es agnostique ? Tu doutes ? C’est normal. Je sais que tu ne t’inquiètes pas sur mon existence ni sur ton sort final, au jugement dernier.
– Quel jugement ? Pourquoi m’avoir envoyé sur terre et me juger puisque tu savais déjà ce que je ferai ? N’es-tu pas tout puissant pour tout savoir de l’avenir avant même qu’il advienne ? Le Verbe Eternel hors du temps contient tout. Un si puissant personnage peut-il être touché par nos bêtises, serait-il sensible et fragile comme l’humain ? Je n’ose le croire. Nous sommes en train d’expliquer des évidences, cette situation est absurde.
– Absurde, non. Je m’ennuyais de tout savoir avant l’advenu, de tout contenir, alors j’ai tout oublié, un instant seulement, pour venir te parler.
– Pourquoi moi ?
– Comme ça, je regarde ton blog parfois, tu me fais rire avec tes frétillements, tes cabrioles, tes hésitations… tes bêtises.
– Je n’ai pas inventé les bêtises, elles sont disponibles et j’en use parce que cela m’amuse.
– Tu es content de m’avoir vu ?
– Tu sais bien ce que je vais répondre. Maintenant je sais et la vie n’a plus de sens. Plus d’énigme, rien à inventer. C’est comment ton Paradis ?
– Il n’y a pas de Paradis, tu imagines toute cette béatitude à l’éternité ? Plus de repères, plus de contrastes, plus de larmes, plus de douleurs, plus de mal… et donc plus de contraires, plus de sensations antagonistes, plus de vie. Tu as bien dit un jour :
« Je suis venu, j’ai vu et je n’ai rien compris au sens de la vie. »
Désormais tu seras plus embarrassé, je sais que tu aurais préféré rester dans l’ignorance, ça va être une torture pour toi…

A ces mots, je compris que tout s’écroulait devant moi, que ma vie était finie en tant que vivre, je venais de perdre le sens d’un parcours, le chemin de vie.

L’être étrange venu d’ailleurs, un extraterrestre sans doute, se leva en déployant son aube blanche pour s’envoler. Devenu immense personnage, il s’étira comme un élastique, se mit à ricaner très fort, trop fort, de sorte que je me suis réveillé en sursaut…
Stic ! Il avait disparu dans le seul nuage qui flottait dans le ciel bleu,

J’étais en nage, la chaleur matinale était insupportable, je frissonnais de trouille, j’ai vite repris mes esprits en réalisant que le monde restait un mystère, que rien n’avait changé pour moi.

Au petit jour, lorsque la lumière se fit plus vive, le dieu des gallinacées me faisait les gros yeux.

Rappel : Ces images ont été réalisées avec une seule poule photographiée dans ma basse-cour après une métamorphose pour aller voir l’autre face des choses. Chemin faisant, fouillant dans les clichés, il me vient des histoires étranges. Mon imaginaire enfle à mesure que ma curiosité cherche à découvrir des mondes magiques; je m’envole dans l’Univers à la recherche d’un savoir introuvable, je cueille au passage les éclats de plaisir qui jalonnent mon chemin.

2 Comments

  1. Simon ,
    Ce texte est simplement une réalité à mes yeux .
    Merci .
    Bonne journée .
    PS: on perd son Chemin à vouloir se trouver ….

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